« La solution opérationnelle serait d’avoir une stratégie mixte »
- Par Sorèle GUEBEDIANG à BESSONG
- 03 Dec 2025 12:55
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Dr Kemgang Ndogmo, chargé de cours, enseignant-chercheur à l’université de Ngaoundéré.
Le président de la République a entamé son nouveau mandat avec encore en bonne place de son projet de société, l'accès aux service sociaux de base, dont l'eau potable. Comment présenteriez-vous l'état des lieux ?
Je commencerais par dire que le Cameroun dispose d'atouts hydriques importants avec notamment d'importantes ressources en eau de surface (réseau hydrographique dense et bien arrosé par la pluviométrie) et des ressources en eau souterraine importantes mais au potentiel méconnu (des nappes souterraines et sources). Les ressources en eau de surface (Rivières lacs sources) sont disponibles et abondantes toute l'année dans la partie Sud du pays tandis qu'elles sont très intermittentes dans la partie Nord. A contrario, les ressources en eau souterraine sont disponibles dans toute l'étendue du territoire avec une part importante au Nord. Au-delà de ce clivage saisonnier et de répartition de la ressource, la distribution d'eau potable reste inégale entre les zones urbaine et rurale. En effet, l'accès à l'eau potable est nettement supérieur en zone urbaine qu'en zone rurale. Les estimations récentes indiquent 80 % de couverture en zone urbaine contre 52 % en zone rurale selon les sources I'INS et l'UNICEF. Cet état des lieux met en évidence des problèmes d'ordre structurel comme les réseaux urbains sont vieillissants, les pertes techniques sont élevées, les coupures intempestives, l'existence de plusieurs branchements non facturés, un important déficit d'entretien impactant directement la qualité de l'eau potable. Il faudrait également souligner les faibles capacités locales d'exploitation et gestion surtout en zone rurale ou les populations dépendent généralement d'un ensemble de forages communautaires gérés localement.
Le réseau d'eau potable au Cameroun ne couvre pas encore l'ensemble du pays. Est-il possible de desservir l'ensemble des villes et villages du Cameroun par le système Camwater ?
Il est difficile de penser qu'en l'état actuel de la Camwater, qu'elle puisse répondre efficacement à la fourniture d'eau potable sur l'ensemble du territoire. Il faudrait d'abord savoir que la Camwater gère le service public de distribution d'eau en milieu urbain et péri-urbain, avec une mission de planification et d'exploitation des actifs urbains ; elle n'est pas structurée, ni financée pour déployer un réseau national couvrant tous les villages isolés. Il existe également des contraintes pratiques liées aux coûts disproportionnés pour raccorder les petites localités dispersées (densité, topographie, distances), au manque d'infrastructures électriques pour le pompage d'eau dans le réseau, et l'entretien à long terme. Pour ma part, la solution opérationnelle serait d'avoir une stratégie mixte où la Camwater s'occuperait des villes et grandes agglomérations (extension et résilience des réseaux), tandis que les collectivités décentralisées mettraient en place des systèmes constitués de forages équipés, mini-réseaux solaires et d'adduction d'eau, micro-réseaux de traitement, systèmes coopératifs (collectivité/population) pour la majorité des zones rurales.
Le réseau hydrographique du Cameroun est l'un des plus enviables. Comment pourrait-on s'appuyer sur cet atout pour trouver des solutions durables ?
Il est possible qu’à partir du réseau hydrographique du Cameroun, on puisse trouver des solutions durables, il faudrait préciser que ces solutions seraient difficilement viables et loin d'être durables et même applicables dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord. Cependant l'usage du réseau hydrographique nécessite la connaissance des trois contraintes suivantes: 1)contraintes de captages -la zone de captage doit se faire en amont des zones urbaines et péri-urbaines pour réduire l'impact de ces zones sur la qualité de l'eau à capter et le coût de traitement; 2) contraintes de variation climatique - les changements climatiques actuels induisent de fortes variations de la ressource en eau de surface (et même souterraine) dont l'impact négatif sur les quantités d'eau disponible serait en faveur de la création de zones de retenue pour sécuriser l'approvisionnement en saison sèche dans des zones ciblées; 3)contraintes de gestion intégrée de la ressource en eau a l'échelle des Bassins versants-une planification a l'échelle d'un bassin versant intègre plusieurs usages (pèches agriculture, industrie), des peuples culturellement différents et des écosystèmes très différents. Il faudrait donc prendre garde de les protéger et d'en prioriser les usages sans compromettre l'équilibre de cet écosystème fragile. Il sera donc question de revoir et ou d'appliquer les lois et règlements àl'échelle nationale (pour le bassin de la Sanaga par exemple) et internationale pour les bassins transfrontaliers auxquels nous appartenons (exemple du bassin du Niger, bassin du Lac Tchad...)
Que faut-il investir pour y parvenir ?
Les investissements doivent se faire à plusieurs niveaux et suivant priorités et postes dont les principaux sont ci-dessous proposés.
- Réhabilitation des réseaux urbains existants : il s'agit de la réduction des fuites, de l'entretien effectif des compteurs, le contrôle des branchements. Cela entraînerait certainement un fort retour sur investissement car réduit pertes d'eau et améliore recettes.
Production et traitement : il s'agirait de faire un audit usines de traitement et leur entretien systématique, une réhabilitation de captages, et réservoirs de stockage rapprochés des zones de consommation.
-Systèmes décentralisés ruraux : il faudrait définir des aires de protection des forages, utiliser des pompes submersibles à énergie solaire, petits réseaux d'adduction villageois ayant des dispositifs d'entretien local.
Gestion et gouvernance : le système de facturation/recouvrement devrait se faire en prépayé comme c'est déjà le cas pour l'énergie électrique, renforcer des capacités locales par la formation des agents et la sensibilisation des populations. Ce dernier aspect participerait à la protection des bassins hydrographiques et induirait certainement une réduction de la contamination de la ressource captée et distribuée.
Recherche, cartographie et monitoring : études hydrogéologiques, forages d'exploration, et suivi sur les ressources en eau sont des points importants qui assureraient la durabilité des décisions prises par les différents acteurs en charge de la gestion de la ressource en eau. Dans cette phase, les universités à travers le résultat de leur recherche constituent un partenaire de premier plan.
Où l'Etat peut-il trouver des financements à cet effet ?
Les financements seraient mixés entre source public-privé et sources multilatérales. Les Banques de développement tels que la Banque africaine de développement (BAD), la Banqu...
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