« La stabilité durable exige de bâtir des institutions fortes »
- Par Eldickson Agbortogo
- 30 Dec 2025 09:12
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Dr. Edimo Mboo Mariette, Chargée de Cours, Chercheure et Enseignante permanente à l’Institut des Relations Internationales.
Dans quelques heures, ce sera la fin de l’année 2025, marquée par l’émergence de nombreuses crises telles que des guerres civiles et des coups d’Etat en Afrique. Quelle est votre analyse de ces évènements ?
L’examen de la situation politique en 2025 révèle une année de profonde instabilité sur le continent africain, caractérisée par une multiplication des ruptures de l’ordre constitutionnel. Cette dynamique de crise s’est manifestée sur deux fronts principaux : Madagascar et l’Afrique de l’ouest. En premier lieu, la situation à Madagascar a basculé lorsque le Président Andry Rajoelina a été renversé par l’armée. Le colonel Michaël Randrianirina a pris les rênes du pouvoir, en s’engageant sur une période de transition oscillant entre 18 et 24 mois. Parallèlement, force est de constater que l’Afrique de l’ouest a également basculé. Si le Benin a longtemps fait figure de modèle démocratique en Afrique de l’ouest, force est de constater que cet équilibre a récemment vacillé avec la tentative du coup d’Etat du 7 décembre 2025. Face à cette menace sur les institutions, la CEDEAO a réagi avec une fermeté notable, condamnant non seulement l’acte, mais annonçant également le déploiement d’une force de soutien destinée à sanctuariser l’ordre constitutionnel béninois. Le pays a basculé dans l’instabilité suite à un coup d’Etat réussi le 26 novembre 2025, survenu de surcroit en plein processus électoral. Ce basculement institutionnel a conduit à l’investiture du général Horta N’tam, chef d’état-major de l’armée de terre, comme Président de transition pour une durée de 12 mois. Toutefois, ce nouveau régime se heurte à une vive opposition internationale. La CEDEAO et l’Union africaine ont immédiatement suspendu la Guinée Bissau de leurs instances respectives.
Mais la situation sécuritaire reste réoccupant…
Oui, l’analyse du paysage sécuritaire africain en 2025 révèle une persistance préoccupante des conflits armés. Certes aucun nouveau conflit majeur n’a éclaté cette année ; toutefois, les guerres civiles existantes se sont considérablement intensifiées, transformant plusieurs régions en foyers de crises humanitaires sans précédent. Qu’il s’agisse de la tragédie humanitaire au Soudan, de l’escalade militaire à l’Est de la RD Congo, de la fragmentation interne de l’Ethiopie ou de la montée en puissance du JNIM au Sahel, le continent demeure marqué par une instabilité profonde. Ainsi, l’année 2025 témoigne d’une mutation structurelle de l’insécurité sur le continent. Alors que 2024 apparaissait comme une phase de consolidation pour les régimes militaires, 2025 est devenu l’année de la contagion et de l’enracinement. Nous observons, en effet, une propagation du virus du putsch vers le Golfe de Guinée et au-delà, mettant à mal les équilibres régionaux que l’on pensait stabilisés. Le remède à ces crises ne saurait être uniquement technique ou militaire, il est avant tout structurel et humain. C’est pourquoi il est impératif de replacer le citoyen au cœur du contrat social. La stabilité durable exige de bâtir des institutions fortes plutôt que de s’appuyer sur des hommes forts, de promouvoir des armées républicaines affranchies de toute ambition politique et d’opter pour une souveraineté de solutions. In fine, l’investissement massif dans la jeunesse et l’inclusion des femmes dans la gestion des affaires publiques constituent les seuls leviers capables de transformer durablement le destin de notre continent.
Parmi les différentes crises, celles de la RDC et du Soudan apparaissent comme les plus urgentes. Pourquoi est-il si difficile pour les médiateurs africains de parvenir à la paix malgré leurs nombreux efforts ?
Pour répondre à cette problématique, il convient de souligner d’emblée que les crises en République Démocratique du Congo et au Soudan s’imposent comme les urgences les plus critiques de l’année 2025. Cette priorité se justifie non seulement par l’ampleur des dévastations, mais également par la rapidité de l’effondrement des structures étatiques et le risque imminent de déstabilisation régionale. En effet, entre records mondiaux de déplacements internes et résurgence massive de la famine, ces nations ont atteint un point de rupture. Sans une intervention diplomatique, et humanitaire d’envergure dans les mois à venir, ces foyers de tension risquent de basculer dans un chaos irréversible, transformant des crises nationales en véritables désastres continentaux. L’analyse de ces échecs récurrents nous enseigne que le médiateur, par définition, n’impose aucune solution. Son rôle se limite à rétablir le dialogue, à identifier les intérêts réels des belligérants et à proposer des compromis. Or, malgré la volonté croissante de promouvoir des solutions africaines aux problèmes africains, la médiation sur le continent se heurte à des obstacles structurels, politiques et financiers profonds. Par ailleurs, l’invocation systématique des principes de souveraineté nationale et de non-ingérence constitue un frein majeur, servant souvent de bouclier juridique pour limiter la marge de manœuvre d...
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