« Le chef de l’Etat combine la force et la persuasion »
- Par Azize MBOHOU
- 04 janv. 2019 11:51
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Dr Aimé Raoul Simo Tayou, enseignantchercheur en défense et sécurité.
Dans son message à la Nation, le chef de l'Etat place la sauvegarde de la paix au cœur de ses priorités en 2019, avec une attention particulière pour la situation dans le Nord-Ouest et le SudOuest. Quelle lecture?
Allant au-delà de la gestion essentiellement judiciaire et militaire de cette crise, le président Biya propose un mécanisme nouveau, que je trouve personnellement ingénieux et qui relève du Smart power, cette forme de pouvoir « intelligent ». Le chef de l’Etat combine ainsi la force et la persuasion, le Hard power et le Soft power pour le succès de la stratégie choisie.
Paul Biya indique justement que cette situation ne peut plus durer. Peut-on s'attendre à une montée en puissance des forces de défense et de sécurité sur le terrain?
En cas de refus des insurgés de déposer les armes et participer au dialogue, il va de soi que l’environnement sécuritaire se dégraderait davantage et le recours à l’outil militaire deviendrait moins optionnel. Les autorités seraient alors contraintes de mettre en œuvre un effort de défense significatif, surtout contre les entrepreneurs de la violence qui créent et fructifient le chaos dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, ainsi que leurs périphéries respectives. Sans nier la présence d’entrepreneurs mettant en œuvre la violence à des fins politiques, une sociologie des insurgés met en évidence le fait que la crise actuelle est plus le fait d’entrepreneurs locaux de la violence et/ou du crime organisé pour qui la présence des forces de défense et de sécurité constitue un obstacle au déploiement optimal de leurs activités criminelles. Les espaces les plus touchés par la crise ont pendant longtemps été des zones grises où les trafiquants de tous genres disputaient à l’Etat ce que Norbert Elias considère comme deux de ses principaux attributs, notamment le monopole de la violence légitime et le monopole fiscal. Parallèlement, l’on pourrait assister à une intensification des actions civilo-militaires en appui à la force ou comme alternative à son emploi. L’objectif étant d’amener l’audience-cible que l’on veut influencer à changer son modèle de pensée, à modifier les références qui y contribuent en leur présentant d’autres éléments d’appréciation. Ainsi, l’outil militaire classique pourrait permettre d’agir dans le domaine matériel, tandis que les actions d’influence permettraient d’agir sur les perceptions.
L'option de dialogue reste cependant l'approche privilégiée du chef de l'Etat. Mais au regard de la situation sur le terrain, comment peutelle se mettre en œuvre ?
Je suis d’avis que le président Biya a entièrement raison de faire du dialogue la principale modalité de gestion de cette crise. Voyez-vous, le dialogue s’avère très souvent moins onéreux que l’usage de l’outil militaire. De plus, l’attitude du président sur la question procède du réalisme : il s’agit de privilégier le dialogue tout en restaurant l’autorité de l’Etat. D’ailleurs, je pense, à la suite de Simmel, qu’un conflit est une forme de socialisation bâtie sur le principe paradoxal d’un mal fonctionnel qui va procéder un bien relationnel. Dans les circonstances normales, un conflit devrait être un processus de mise en relation intense aboutissant à un dialogue franc et sincère. Enfin, le président Biya sait, mieux que quiconque, que ...
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