L’empreinte de Paul Biya

En tacticien avisé, le président de la République a toujours su maîtriser les turbulences de la démocratisation pour proposer un modèle camerounais original.

Trois décennies plus tard, beaucoup d’observateurs se demandent encore comment il a fait. Au milieu d’une Afrique en ébullition, et alors que la tendance est à la « conférence nationale souveraine », Paul Biya ne suit pas la « mode ». Son diagnostic ne souffre d’aucune hésitation : « sans objet ». Il le répètera à l’envi, alors que la question de la conférence nationale lui est posée de façon répétitive, presque obsessionnelle. Face à la presse, face aux députés de l’Assemblée nationale, il aura les mêmes mots. Le chef de l’Etat qui vient alors d’ouvrir le jeu politique, prenant de court, même ses propres camarades du RDPC, ne se contente pas de balayer d’un revers de la main, le « modèle importé » qui semble faire recette sur le continent. Il a sa petite idée, plus adaptée selon lui, aux réalités camerounaises.  Ce sera la rencontre Tripartite de Yaoundé.

Et la grande palabre à l’africaine qui se tient du 30 octobre au 15 novembre 1991 sur les hauteurs de l’une des collines de la capitale, s’avère effectivement fondamentale dans la construction de la démocratie balbutiante. Premièrement, elle a le mérite de libérer la parole, dans le sillage des lois sur les libertés promulguées fin 1990. Elle permet surtout d’asseoir les bases de ce qu’on appelle plus tard « démocratie apaisée ». Une sorte de modèle camerounais, avec pour maître-mot l’ouverture et le dialogue. Tout à l’image de l’homme d’Etat qui l’a initiée. En outre, la Tripartite (gouvernement, partie politiques et société civile) accouche d’un foisonnement fécond d’idées, qui creusent les fondations de l’édifice démocratique camerounais. La révision constitutionnelle de 1996 y trouve son fondement.

Paul Biya passe ainsi avec brio, l’épreuve des années de braise, maintient son pays à flots et l’engage résolument sur le chemin de la démocratie. Et ce sera une démocratie comme il la conçoit : inclusive, participative. Ainsi, même si au fil des élections organisées depuis les lendemains de cette ouverture, son parti le RDPC est toujours sorti vainqueur, souvent avec des majorités plus que confortables, Paul Biya s’est toujours fait le devoir d’intégrer dans les équipes gouvernementales, des sensibilités différentes. Depuis 30 ans, on a vu passer aux affaires, certains de ses adversaires les plus virulents. Lui n’a pas hésité à les faire participer à ses côtés, à la gestion de la cité. Les Augustin Fréderic Kodock (UPC), Dakole Daïssale (MDR), Bello Bouba Maïgari (UNDP), Issa Tchiroma Bakary (UNDP, puis FSNC) ou plus récemment Jean de Dieu Momo (PADDEC) ont pu ainsi apporte...

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