Médias : gare à l’obsession du sensationnel

Le Cameroun compte parmi les pays les plus « libéraux » en matière d’ouverture médiatique avec pas moins de 600 organes de presse écrite, plus de 200 stations de diffusion sonore, 200 opérateurs de télédistribution, une trentaine de chaînes de télévision et une multitude de médias cybernétiques. De nombreux pays africains sont impressionnés, non seulement par notre pluralisme médiatique, mais surtout par la liberté de ton dans les médias camerounais. Les pouvoirs publics affichent leur volonté d’améliorer le soutien à la presse privée. D’où la mutation, il y a deux ans, de l’ancien format en appui institutionnel de l’Etat à la presse à capitaux privés à travers un arrêté du ministre de la Communication du 23 avril 2020 portant réorganisation des modalités d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée. Seulement, les acquis et les avancées enregistrés dans le secteur de la presse sont en train, hélas, d’être dévoyés par la récurrence et la prégnance des pratiques anti-professionnelles. Les médias tant traditionnels que nouveaux se muent parfois en véritables outils de désinformation, de manipulation et encanaux de transmission des discours de la haine. Au sein de la médiasphère camerounaise, s’est développée une presse à gages qui broie et brocarde les personnalités et les institutions de la République. Ce cannibalisme médiatique se nourrit du chantage, de l’intimidation et de la course au « fast news ». Au regard du nombre sans cesse croissant des dérives et des dérapages qui émaillent le paysage médiatique camerounais, l’on peut se poser la question de savoir si la déontologie et l’éthique constituent de vains mots chez les hommes des médias au Cameroun.
La dernière sortie du président du Conseil national de la Communication intervient à la suite de nombreuses dérives qui sont de nature à envenimer, voire embraser la situation sociale au Cameroun. Les revendications des enseignants et les perturbations sociales que le Cameroun vit en ce moment sont du pain béni pour certains médias qui offrent leurs espaces à des acteurs qui tiennent des propos volcaniques. Ce qui se passe autour de nous devrait nous rappeler que lorsque la situation s’embrase, personne, même pas les journalistes, ne sera épargné. Ces multiples atteintes aux règles déontologiques et à l’éthique nuisent gravement aux enviables avancées auxquelles notre pays est parvenu. Elles constituent en réalité une menace sérieuse à la cohésion sociale. 
Il importe de rappeler que le journalisme bien qu’étant un métier parmi d’autres, n’est pas non plus un métier comme les autres, en raison de sa particularité ; dans la mesure où il concerne une liberté fondamentale, la liberté d’expression, qui doit également respecter d’autres libertés et s’exercer conformément à la loi.  La presse constitue à la fois un levain et un baromètre de la démocratie dans un pays. Une presse libre ne peut fonctionner que dans un Etat démocratique et la démocratie s’accommode toujours d’une presse libre. Mais la liberté de presse ne s’exerce que dans un cadre bien organisé. Dans le domaine de la presse, elle fait appel à la responsabilité sociale du journaliste. Ici et ailleurs, la profession est organisée autour d’un ensemble de règles de conduite que s’imposent les membres de la corporation pour l’exercice harmonieux de leur métier (déontologie). Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la mission d’information, d’éducation et de reliance sociale qui incombe aux médias est génératrice de droits et de devoirs, donc d’une responsabilité sociale. 
Cette responsabilité sociale fait appel à un certain nombre de valeurs (éthique) qui animent le journaliste et l’invitent à ne diffuser que ce qui est utile et bénéfique pour ses lecteurs, ses auditeurs et ses téléspectateurs. Le journalisme en tant que profession trouve ainsi sa raison d’être dans le service rendu au citoyen. Ce concept de responsabilité est d’ailleurs le socle du Code de déontologie du journaliste rendu exécutoire par décret du Premier ministre du 24 septembre 1992. Dans le même registre, la loi 20 avril 2015 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun stipule que « le contenu des programmes ne doit en aucun cas inciter à la haine, à la violence… ». A l’observation, cette disposition est allégrement violée au quotidien par de nombreux professionnels. 
En réalité, la presse camerounaise a besoin d’être « dératisée » pour lui permettre de retrouver ses lettres de noblesse. A la question de savoir, qu...

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