Interview : « La Somalie a un processus électoral complexe »
- Par Jeanine FANKAM
- 30 mars 2022 15:21
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Simon Pierre Omgba Mbida, ministre plénipotentiaire, spécialiste des questions africaines.
Quel commentaire faites-vous de la situation électorale actuellement bloquée en Somalie?
Le report récurrent des élections n’est pas nouveau en Somalie. Lors des législatives de 2016 et la présidentielle de 2017, on a connu le même phénomène de report et de blocage. En fait, la Somalie a un processus électoral complexe, miné par des rivalités politiques et claniques.
Les quatre grandes familles claniques de Somalie sont représentées à part égales dans le Parlement. Mais les clans étant eux-mêmes ramifiés en une multitude de sous clans, extrêmement divisés, le millefeuille politique est presque impossible à gérer. De plus, le système expose assez clairement ses limites parce que les personnes élues sont des représentants de leurs clans, avec des intérêts particuliers.
Un autre problème entrave aussi le processus : la corruption. C’est un fléau endémique en Somalie. L’argent qui circule dans ce cadre sert à calmer les frustrations et les humiliations, et permet de faire attention à la représentation clanique. Les membres de la Chambre du peuple, 275 députés et de la Chambre haute, 54 sénateurs sont élus au suffrage indirect par les représentants des régions. Selon les indications en notre possession près de 30.000 délégués issus des différents clans du système fédéral vont choisir les élus des deux chambres. Ces derniers devront élire le prochain président du pays.
Par ailleurs, le mandat du président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmajo, élu en 2017 a expiré le 8 février 2021 sans qu'il ait pu s'entendre avec les leaders régionaux sur la tenue d'élections. En avril 2021, la prolongation unilatérale pour deux ans de son mandat a provoqué de violents affrontements à Mogadiscio, menaçant le fragile équilibre de ce pays meurtri par la guerre civile. Cela a provoqué une grave crise politique entre le président de la République et le Premier ministre, Mohamed Hussein Roble qui y a perçu une tentative de coup d’état. Au début du mois de mai 2021, dans un geste d'apaisement, Farmajo a chargé le Premier ministre, Mohamed Hussein Roble, de la sécurité et de l’organisation des élections. Tout cela a bouleversé le calendrier électoral.
La persistance de la menace terroriste n’arrange visiblement pas les choses…
D’un autre côté, les élections se déroulent dans un contexte où le groupe terroriste Al-Shabaab reste une menace sérieuse pour la sécurité en Somalie. Près de 1 000 civils ont été tués ou blessés dans des conflits armés en 2021. Le groupe étant responsable de quelque deux tiers des pertes civiles. Selon une déclaration de Francisco Caetano Jose Madeira, chef de la mission de l’Union africaine en Somalie, « Al-Shabaab cherche de plus en plus à perturber délibérément le processus électoral en attaquant certains centres électoraux ».
Voilà pourquoi depuis un an le processus électoral qui aurait dû clôturer le 24 décembre 2021 n’est pas encore achevé. Cependant, un accord entre les parties en lice, salué par la communauté internationale et les partenaires de la Somalie, pris au début du mois de janvier de cette année 2022 et qui prévoyait la fin du processus électoral le 25 février dernier n’a pas été respecté. Une énième prorogation a été annoncée pour le 15 mars dernier qui n’a pas non plus permis de parachever le processus électoral.
Le conflit larvé entre le président de la République et son Premier ministre peut-il, seul, justifier cette impasse ?
De mon point de vue pas totalement. Ce d’autant plus que, la confrontation entre les deux personnalités a été résolue lorsque le Président Mohamed Abdullahi Mohamed a chargé le Premier ministre Mohamed Hussein Roble de la sécurité et de l’organisation des élections.
En réalité, la crise somalienne est à multiples facettes : instabilité politique, terrorisme, ingérences régionales et sécheresse, cette crise résume tous les maux de la Corne de l’Afrique. A ces troubles politiques, s’ajoute la crise humanitaire due à la sécheresse. La région de la Corne de l’Afrique traverse des transformations géopolitiques majeures qui se sont intensifiées depuis le déclenchement de la guerre civile éthiopienne dans la région du Tigré e...
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