Les vertus du dialogue gouvernement-secteur privé

Le gouvernement et le secteur privé ont repris langue le 18 mars dernier à l’immeuble Etoile à Yaoundé. Au centre de cette concertation animée par le Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute, la lutte contre l’inflation et les risques de pénurie. C’est vrai que depuis quelques mois déjà, le ciel s’était quelque peu assombri entre les deux partenaires stratégiques. La situation du marché, rendue difficile par la crise sanitaire à coronavirus depuis mars 2020 et les contrecoups de la crise actuelle en Europe de l’Est (entre la Russie et l’Ukraine), a fait enfler les incompréhensions entre le gouvernement et les milieux d’affaires. On a souvent eu l’écho des meuniers par exemple, à travers les responsables du groupement des acteurs de cette filière, tirant la sonnette d’alarme sur la difficulté à s’approvisionner en blé, matière première essentielle à la fabrication des produits de grande consommation que sont la farine, le pain, les pâtes alimentaires, etc. En face, on n’était pas totalement d’accord, mais tout était mis en œuvre pour contenir les prix afin de ne pas étouffer la ménagère. Le panier de plus en plus vide de cette dernière a cependant fini par mettre tous les acteurs d’accord sur la lenteur des approvisionnements et la difficulté des entreprises à supporter seules le fardeau de cette inflation importée. Dans certains secteurs d’activité, les opérateurs économiques ont osé le passage en force. Hausse unilatérale des prix par-ci, pénurie réelle ou artificielle par-là. Lorsqu’il le fallait, le ministre du Commerce a frappé du poing sur la table, arguant que les entreprises ne pouvaient pas d’initiative passer à l’offensive sans risque d’asphyxier le consommateur. Chaque camp a tenu comme il a pu, mais finalement les différents acteurs se sont retrouvés autour de la table. 
Coté créateurs de richesse, on brandit la hausse des cours des matières premières qui a un réel impact sur les entreprises pour durcir le ton. En fait, on se retrouve dans un contexte marqué par diverses crises (sécuritaire depuis 2016, des devises depuis 2019 et sanitaire en cours)  et les milieux d’affaires font face à la pire crise économique de ces dernières années. Pour bien schématiser cette situation, les capitaines d’industrie parlent des effets pervers de la poussée inflationniste. En effet dans un contexte mondial de relance économique rapide, on observe chez les grandes puissances, appuyées par les banques centrales et les Etats, des plans gigantesques de relance. Conséquence immédiate : les cours des matières premières et du fret maritime se sont envolés dès le second trimestre 2021. En clair, entre avril et décembre 2021, les cours des matières premières ont explosé. A titre d’illustration, l’indice FAO des prix des produits alimentaires pointait en septembre 2021, une hausse de 32,8% par rapport à la même période en 2020. Les prix du clinker et du fer à béton, intrants importés pour les industries sensibles, avaient progressé de 100% et de 95% respectivement, entre janvier et juin 2021. Dans le détail, il est observé des hausses de prix sur le marché international allant de 40% à 130%. Autre zone d’inquiétude, les coûts de transport. Dans les milieux d’affaires, on fait état de ce qu’ils ont été multipliés par cinq en un an. Sur les liaisons Europe-Afrique en particulier, le transport d’un conteneur de 40 pieds par voie maritime coûte aujourd’hui plus de 9 300 dollars (près de 5,5 millions de F) contre 3 500 dollars (un peu plus de deux millions de F) à la fin de l’année 2019. Ce qui fait une augmentation de 166%.
Au Cameroun, les entreprises se retrouvent en première. Les opérateurs économiques font donc savoir au gouvernement que face à cette situation exogène, leurs performances financières sont soumises à rude épreuve. En d’autres termes, les entreprises enregistrent une diminution de leur marge brute. Principale victime : l’industrie agro-alimentaire. En fait, les secteurs sur lesquels la résilience de l’économie camerounaise a trouvé son socle sont durement touchés par cette inflation. Sont ainsi concernés : les cimenteries, les industries brassicoles, les industries meunières (farine), les industries métallurgiques (fer à béton), le secteur des oléagineux (huiles végétales), les industries de la plasturgie et de la papeterie (emballages), la filière phytosanitaire (engrais chimiques, produits de protection des plantes), certaines industries agro-alimentaires (biscuiteries, confiseries)…
La pression inflationniste s’accompagne par ailleurs d’un allongement des délais de transport. Situation qui occasionne une extension des cycles d’exploitation et entraîne de fait une augmentation des besoins des entreprises en fonds de roulement. Malgré ces difficultés, les entreprises se battent pour garder la tête hors de l’eau, et chacune y va de ses astuces. Les unes tentent de supporter les coûts supplémentaires et optimisent leurs approvisionnements. Chez d’autres, on opte pour la constitution des stocks. Pour certaines, l’option prise est la recherche d’alternatives aux matières premières jusque-là utilisées, quand elles ne changent pas carrément de fournisseurs. Les spécialistes affirment cependant que sur le court terme, toutes les initiatives sont bonnes pour se mettre à l’abri de l’inflation et des risques de pénuries. Toutefois, dans un contexte d’explosion de la demande, la constitution des stocks n’est...

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