Livre : patrimoine d’un homme du terroir

Le 12 juillet prochain, « Les 700 aveugles de Bafia » (Emmanuelle Collas, 2020), paraitra en langue anglaise chez Amazon Crossing, la marque d’édition du géant mondial Amazon, spécialisée dans les traductions. Le troisième roman de l’auteur camerounais Mutt-Lon, qui raconte une bavure médicale au sein de la subdivision médicale de Bafia en 1929, aura pour titre « The Blunder ». Le fabuleux destin de l’œuvre va se poursuivre avec une édition internationale en langue arabe prévue en fin d’année 2022. Cette reconnaissance plus accentuée à l’extérieur qu’au Cameroun pour un auteur qui réside pourtant au pays, a débuté dès la parution de son premier roman chez Grasset à Paris en 2013, « Ceux qui sortent dans la nuit ». Avec de nombreux échos dans l’Hexagone, sous la forme d’articles dans la presse française et internationale, qui parviendront aux oreilles de quelques curieux au Cameroun. Cette première œuvre a reçu le prix Ahmadou Kourouma en 2014. 
Et si son roman « La Procession des charognards » (CLE, 2015) est moins médiatisé, les lecteurs au Cameroun, pays de ses ancêtres, commencent à prendre réellement conscience du talent de Daniel-Alain Nsegbe au civil. La preuve, lors de la 6e édition de « Lire à Douala », du 3 au 7 avril 2022 dans la cité économique camerounaise et dès le premier jour de l’évènement, l’auteur a épuisé les stocks de son livre « Les 700 aveugles de Bafia » réédité par la collection Terres Solidaires en mars dernier. Une réédition à 3 500 F destinée à mettre le livre à la portée du plus grand nombre. Une aubaine pour le public, mais aussi pour l’écrivain qui partage ainsi largement ce qu’il a de plus cher : son patrimoine.
 

Pourquoi avoir choisi Mutt-Lon comme signature et pas Daniel-Alain Nsegbe ?
Quand je me suis mis en possession d’envoyer mes manuscrits à Paris dans les années 90, je me suis posé une question : Qu’est-ce que je peux apporter que les autres n’ont pas fait ? Il m’a donc semblé opportun de me créer un concept littéraire qui commence par mon pseudonyme et qui rejaillit sur les thèmes que j’aborde dans mes ouvrages. Alors Mutt-Lon c’est une composition phonétique que je suis allé exhumer dans mon legs ancestral. Mutt-Lon, je suis de l’ethnie Bassa, ça veut dire l’homme du peuple ou du pays. Moi j’aime dire l’homme du terroir. Et à Grasset, on m’a proposé de publier sous mon vrai nom, mais ça ne donnait pas. Mon concept ne s’accommode pas de choses comme Daniel Alain. Ça n’a pas de sens. Dans ma quête identitaire, je ne peux pas m’appeler Daniel en littérature. Je respecte les prénoms que mes parents m’ont donnés, mais ça ne cadre pas. Dans « Ceux qui sortent dans la nuit », je n’ai pas fait le voyage de 2011 à 1705 pour rien. J’étais à la recherche de mon legs ancestral à travers un personnage.
Comment cette exploration patrimoniale dans vos œuvres a-t-elle donné naissance au roman « Les 700 aveugles de Bafia » ?
Pour une fois, je n’ai pas traité un sujet fantasmagorique comme dans « Ceux qui sortent dans la nuit » et « La Procession des charognards ». Je suis allé chercher dans l’histoire coloniale camerounaise qui est occultée jusqu’aujourd’hui. J’ai fini de faire mes études sans savoir qu’il était arrivé un fait pareil. Ce roman est une fiction adossée à un authentique fait historique au Cameroun. Contrairement à mes autres romans, j’ai dû faire des recherches approfondies. Je suis allé essayer de comprendre de quoi il retournait. J’ai recensé une galaxie de personnages qui ont réellement existé et d’autres fictionnels que j’ai créés, qui m’ont semblé utiles pour la construction de mon intrigue. Mais ce livre a végété dans mes tiroirs, j’en ai bavé pour qu’il voie le jour. Et je me suis dit que peut-être parce que je suis en train de déboulonner une statue, symboliquement, celle du Dr Jamot, que je suis rejeté. Parce que ce manuscrit a été refusé par Grasset qui m’avait pourtant lancé. 
Quel est généralement l’objectif que vous recherchez à travers vos œuvres ?
J’ai parlé plus haut de legs ancestral et de quête identitaire. Dans mes œuvres, je raconte des histoires et je mets de manière sous-jacente une idéologie par des digressions et autres dont le but est de nous pousser à la quête identitaire, à nous questionner sur les forces qui sont dans nos coutumes et que nous avons tendance à rejeter parce que nous avons été déculturés ou acculturés. Généralement dans mes romans, les gens se mettent en situation d’expliquer des forces paranormales pour en faire des choses positives et non répressives. Je va...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie