Retour des objets d’art spoliés : un combat à gagner

Alors que le Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute, a prescrit le 25 mai 2022, la mise sur pied d’une stratégie nationale en vue du retour au Cameroun des biens culturels emportés illégalement en Occident avant l’indépendance, le temps est venu, une fois de plus, de crever cet autre abcès causé par les méthodes d’appropriation et d’aliénation du système colonial. Disons-le avec force : cette opération a permis aux pays européens qui l’ont organisée de construire les fondations de leur prospérité d’aujourd’hui. On ne reviendra pas sur les tentatives maladroites de justification du projet colonial. Mais, il est inacceptable que des politiques et intellectuels continuent à répandre l’idée que les peuples jadis victimes des conquêtes coloniales étaient des barbares. Histoire de montrer ce qu’ils pensent être le bienfondé de la « mission civilisatrice de l’homme blanc ». Un président français, Nicolas Sarkozy, ne soutenait-il pas, le 26 juillet 2007, que « l’homme africain n’[était] pas assez entré dans l’histoire » ? Cette déclaration elliptique n’explique pas pourquoi les ancêtres des donneurs de leçons, se croyant pourtant supérieurs aux peuples soumis par la violence armée, se sont retrouvés en train d’admirer, au point de voler, les œuvres issues du génie créateur des supposés barbares. La boutade empreinte d’ironie de Victor Hugo vaut ici tout son pesant d’or, quand il affirme : « La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît ».      
Quoi qu’il en soit, l’étendue du pillage séculaire des œuvres patrimoniales perpétré en Afrique subsaharienne alimente la chronique. Il est établi que c'est dans la foulée du partage de cette partie du monde, lors de la Conférence de Berlin en 1884-1885, « que de grands musées vides voyaient le jour dans les capitales des puissances impériales ». Les universitaires et chercheurs, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, dans leur Rapport intitulé : « Restituer le patrimoine africain », Paris, Philippe Rey/Seuil, 2018, indiquent comment ces musées se sont enrichis. « Les collections des musées européens se sont constituées majoritairement à l’époque coloniale, à un moment où les rapports de pouvoir étaient clairement en défaveur de ceux dont les objets furent acquis et rapportés en Europe », lit-on dans le rapport. Au point où, « 90 % du patrimoine africain serait conservé hors du continent », d’après le document commandé par le président français actuel Emmanuel Macron, pour donner corps, dès 2017, à la décision inédite de restitution qu’il a prise, suite aux demandes qui se multiplient en provenance des Etats victimes de vols d’objets d’art, ainsi que des autorités traditionnelles et des associations africaines.                                                                                                                                                                
Quelles que soient les formes de la spoliation (butins de guerre, missions d’« exploration » et « raids » scientifiques, dons des particuliers et legs), le résultat est le même. Ce sont des objets ou des biens mal acquis. « On pille les Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes, qui iront eux aussi les “aimer” et les piller », s’insurgeait Michel Leiris (Lettre à sa femme, 19 septembre 1931, in : Michel Leiris, « Miroir de l’Afrique », édition établie, présentée et annotée par Jean Jamin, Paris, Gallimard, 1996.                                                                                                            
En tout état de cause, le Cameroun doit gagner le combat engagé pour le rapatriement de ses biens culturels illégalement exportés. D’autant plus que notre pays figure dans le peloton de tête des nations africaines les plus concernées par cette pratique indigne. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Tous les pays d’Afrique subsaharienne, dans leurs frontières actuelles, sont représentés dans les collections du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac en France. « Avec près de dix mille pièces inventoriées, le Tchad arrive en tête (9 296 objets). Il est suivi du Cameroun (7 838), de l’île de Madagascar (7 590), du Mali (6 910), de la Côte d’Ivoire (3 951), du Bénin (3 157), de la République du Congo (2 593), du Gabon (2 448), du Sénégal (2 281) et de la Guinée », précise le rapport cité plus haut.                                                            
L’inventaire n’est pas bouclé. Loin s’en faut. « Du British Museum (69 000 objets d’Afrique) au Weltmuseum de Vienne (37 000), du musée Royal de l’Afrique centrale en Belgique (180 000) au Humboldt Forum de Berlin (75 000), des musées du Vatican à celui du Quai Branly (70 000) en passant par les nombreux musées missionnaires protestants et catholiques en Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Autriche, en Belgique, en Italie, en Espagne : l’histoire des collections africaines est une histoire européenne bien partagée », pointent du doigt F. Sarr et . Savoy.                       
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