« Il suffit d’un dialogue objectif pour trouver une solution au pardon »

Le roi des Belges, Philippe, accompagné de son épouse, Mathilde, vient d’effectuer un séjour d’une semaine en République démocratique du Congo. Quelles leçons retenir de cette visite ? 
Pour y répondre, j'aimerais prioritairement savoir dans quel état d'esprit le roi Philippe vient-il en République démocratique du Congo ? Vient-il en successeur du roi Léopold II qui, tard venu dans la conquête coloniale, a utilisé les ressources de sa casquette personnelle pour envoyer Stanley signer des traités avec les rois locaux pour prendre possession de ce territoire 90 fois plus grand que le royaume de Belgique ? Et qu'en retour il a établi avec le Congo une union personnelle qui faisait de lui, à la fois le roi des Belges et le président de l'Etat indépendant du Congo ? Vient-il revendiquer cet héritage qui a fait également du roi belge, lors du congrès de Berlin, le gardien du Bassin conventionnel du Congo parce que les autres européens intéressés par le fleuve Congo savaient qu'il n'était pas suffisamment fort pour empêcher que l'Angleterre, la France, l'Allemagne s'y installent et jouissent de leurs possessions sans y être inquiétées ? Y vient-il comme ce jeune Belge à qui l'on n'a pas enseigné, dans son cursus, l'histoire de la colonisation belge du Congo -et cela n'est toujours pas enseigné de nos jours- et qui n'a pas lu le roman écrit par René Maran, sur les abus de la colonisation qui a pourtant reçu le prix Goncourt en 1921 ? Y vient-il comme ce Belge qui ne sait pas que pour construire le chemin de fer Congo-Océan, de nombreux Congolais ont perdu de leurs vies et certains ont été mutilés à vie ? Y vient-il sans savoir que la colonisation belge a infantilisé tous les Congolais, ne leur reconnaissant aucune maturité au point que sur le plan de l'instruction, au moment de l'indépendance il y avait moins d'une dizaine de Congolais titulaires d'un baccalauréat, mais beaucoup de chanteurs de danseurs et de chrétiens ? Y vient-il en sachant que les Belges n'ont accepté l'idée de l'indépendance du Congo que parce qu'ils voyaient leurs voisins français s'y atteler ? Et pour ce faire, parce qu'ils n'avaient rien préparé ? Sait-il que la table ronde organisée à Bruxelles n'avait pour seul et unique but que de diviser les Congolais afin qu'ils ne s'entendent pas et que l'indépendance obtenue se transforme en cauchemar dont la tentative de sécession du Katanga n'en était qu'une légère illustration ? Il sait certainement que le Premier ministre Patrice Lumumba a été assassiné avec la complicité du royaume de Belgique et que son corps a été acidifié pour qu'on ne garde aucune trace de lui à l'exception de la dent que lui a extorquée un de ses bourreaux et qu'il a gardée par devers lui.
A l’occasion, le roi Philippe a certes réaffirmé ses plus profonds et sincères regrets quant aux exactions et humiliations infligées au peuple congolais par son pays durant la colonisation, mais n’a pas présenté d’excuses. A votre avis, quel effet une telle sortie peut-elle avoir auprès des Congolais et des afrodescendants remontés contre le passé colonial ?
S'il le dit, nous pouvons à la limite croire à sa bonne foi. Même s'il avait présenté des excuses, cela changerait quoi à la réalité des « exactions et humiliations » subies par les Congolais et dont les effets sont visibles et ressentis par de nombreuses familles congolaises encore aujourd'hui ? D'ailleurs, sont-ce les regrets du roi des Belges ou du royaume de Belgique ? Peut-on regretter pour tout un peuple sans qu'il y ait un acte solennel qui engage ce peuple ? Suffit-il de dire « je regrette » pour que cela devienne une réalité et que les faits disparaissent ?  Le roi Philippe pourrait s'inspirer de la vraie contrition manifestée par les Allemands à l'endroit des Namibiens, sans arrogance ni perfidie, en vue de requérir leur pardon pour les exactions commises pendant la colonisation. Il n'est pas sûr, compte tenu du court temps mis par les Allemands pour leur présence e...