Chantiers de Yaoundé : les éclairages du maire

Voici un peu plus d’un an qu’il est à la tête de la Communauté urbaine de Yaoundé. Elu le 22 avril 2022, Luc Messi Atangana succède à Gilbert Tsimi Evouna qui a marqué les Yaoundéens par ses méthodes iconoclastes et son style. Ayant fait essentiellement sa carrière dans les cabinets, le nouveau « Super » maire souhaite imprimer progressivement sa marque dans une cité capitale où la lutte contre l’insalubrité et le désordre urbains imposent une certaine posture. Dans l’interview exclusive accordée à CT, le premier magistrat de Yaoundé fait le point de ses actions depuis son arrivée à l’Hôtel de ville de Yaoundé.

Monsieur le maire, vous avez pris il y a quelques mois des mesures pour lutter contre l’insalubrité dans la cité capitale, notamment l’implication des chefs traditionnels et l’institution des amendes pour ceux qui salissent la ville. Pensez-vous que ces nouvelles approches puissent changer les mentalités et les habitudes des populations de Yaoundé ?
La lutte contre l’insalubrité ne commence pas avec moi, tout comme elle ne commence pas le 20 avril 2022, quand j’ai rencontré les chefs traditionnels du département du Mfoundi. Depuis mon arrivée, j’ai mené des actions de sensibilisation, d’abord en faisant le tour de sept arrondissements de la capitale où j’ai tenu des réunions publiques avec un volet questions-réponses publiques et libres. A cette occasion, j’ai donné un certain nombre d’orientations auxquelles nous devons trouver des solutions ou mettre en place des stratégies pour endiguer le phénomène. A votre question, je réponds par l’affirmative : oui, en faisant changer quelques-uns, cela nous permet d’avancer parce que si je n’avais pas compté sur les effets thérapeutiques de cette rencontre, je ne l’aurais pas programmée. De même, tous ceux qui y sont venus en connaissant l’ordre du jour à partir des lettres d’invitation, s’ils n’y croyaient pas beaucoup ils ne seraient pas venus. J’espère qu’avec cette approche additionnelle, nous pourrons changer les mentalités et les habitudes de certaines populations de la ville de Yaoundé en matière de gestion responsable des ordures ménagères ou de lutte contre l’incivisme.
L’activité de ramassage des ordures connaît des épisodes récurrents d’interruption. Qu’est-ce qui fait problème ?
Au niveau des Communautés urbaines, c’est le maire de la ville qui a la charge principale en matière de gestion des ordures ménagères. C’est valable à Douala, à Garoua et autres. Et à Yaoundé, la Communauté urbaine a signé un contrat de ramassage et de traitement des ordures avec la société Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam). Dans ce contrat, la Communauté urbaine doit rémunérer les prestations d’Hysacam. Mais il se trouve que, de temps en temps, on observe des arrêts de travail. Depuis que je suis à l’Hôtel de ville, le premier arrêt de travail est intervenu en novembre 2021 à l’approche de la CAN. A ce moment-là, le personnel de la société invoquait notamment Les retards de payement de salaires. Je peux vous assurer qu’à cette période, la ville de Yaoundé ne devait pas grand chose à Hysacam. Le retard qui avait été observé en ce qui concerne le payement de la quote-part de la Communauté urbaine était dû à la mauvaise présentation du dossier fiscal d’Hysacam, et une fois ce problème résolu avec confirmation de la Direction générale des Impôts, le virement de la quote-part de la Communauté urbaine a été entièrement effectué dans le compte d’Hysacam. Mais jusque-là, le mot d’ordre de grève n’avait pas été immédiatement levé. La ville de Yaoundé est donc devenue une victime des représailles d’Hysacam pour des prestations fournies ailleurs et non payées. Et aussitôt que l’Etat a débloqué les fonds, le travail a repris. Mais il faut aujourd’hui admettre que la société est dépassée par le volume de travail et la Communauté urbaine a pris la décision d’associer des entités privées, les petites associations et d’autres prestataires visibles dans la ville. C’est pour cela que vous avez vu à l’occasion de la CAN que la ville était propre. Le deuxième mouvement d’humeur d’Hysacam remonte au mois d’avril 2022.  Là, c’était contre toute attente et le motif était lié à des problèmes de gestion interne à cette entreprise. La mairie de la ville de Yaoundé tout comme l’administration publique n’était en rien la cause et c’est pour cela que vous n’avez pas entendu des éclats de voix.
Il y a quelques années, il était question qu’on fasse entrer en scène d’autres opérateurs dans le ramassage d’ordures parce ce que Hysacam est un peu dépassée comme vous venez vous-même de le dire. Où en est-on avec ce dossier ?
A mon arrivée en mars 2020, j’avais trouvé que mon prédécesseur avait signé un contrat avec une autre structure pour offrir des services afin d’alléger la tâche à Hysacam, et ce deuxième opérateur avait été contractualisé. Sauf qu’un an après mon arrivée à l’Hôtel de ville de Yaoundé, ce prestataire ne s’était toujours pas installé. Je lui ai servi une mise en demeure sans réaction. Les deux réactions écrites que j’ai pu voir, c’était la demande d’une avance de démarrage d’un montant faramineux alors que cette structure n’avait aucune installation au Cameroun. Alors, je lui ai servi une deuxième mise en demeure sans suite si bien qu’en 2021 j’ai résilié le contrat. Mais j’ai été surpris d’entendre quelques semaines après que ce prestataire multiplie des lettres d’intervention adressées à certaines hautes structures du pays. Mais l’idée d’associer d’autres opérateurs fait son chemin.  Nous ne l’avons pas abandonnée, nous sommes toujours à la recherche d’autres opérateurs parce que la ville s’agrandit chaque jour et le volume de la tâche devient important. A un moment, je recevais des opérateurs qui prétendaient pouvoir gérer les ordures, les transformer mais au fil du temps on se rend compte que ce sont des structures sans consistance.
La fermeture de la double voie de l’avenue Kennedy provoque de graves bouchons à cet endroit. Qu’est-ce qui justifie le blocus de cette voie située au cœur de la ville ?
Nous avons restreint la circulation sur l’une des deux voies pour que l’une serve à la marche et que l’autre soit réservée à la circulation des engins à moteur. Cela est le résultat d’une étude. Le Fonds d’aide d’appui au secteur privé du ministère français de l’Economie a apporté un appui à la Communauté urbaine pour qu’on essaye d’examiner la qualité de l’air qui circule dans la ville. Dans le cadre de ce projet, un certain nombre de capteurs de pollution ont été installés au centre-ville de Yaoundé et au bout d’un certain temps, le résultat a établi que la zone de l’avenue Kennedy était la plus polluée avec un taux qui dépassait le seuil de l’acceptable. Et la solution était de faire diminuer ce degré de pollution en réduisant le nombre d’engins à moteur qui empruntent cette route. Cela a été fait au cours d’une semaine baptisée la semaine de la qualité de l’air qui a duré du 15 au 28 novembre 2021 en vue de rendre l’air de ce milieu moins pollué et préserver la santé des Camerounais. Quand vous visitez d’autres pays, des véhicules ne roulent pas partout et on encourage la marche ou l’utilisation des engins non polluants tels que les bicyclettes ou les motocyclettes qui fonctionnent avec de l’énergie électrique. Tout ce qui reste à faire est de sensibiliser davantage nos populations pour qu’elles comprennent que les pouvoirs publics prennent des mesures pour leur intérêt. 
Le désordre urbain se montre tenace dans la ville de Yaoundé pendant que la police municipale est critiquée pour ses méthodes peu orthodoxes. Que comptez-vous faire pour rétablir l’ordre urbain tout en évitant que les agents de la Communauté urbaine puissent se livrer à certaines dérives ?
Aucune commune n’est encore dotée d’un service de police municipale au sens de la loi de 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées. Je crois que les spécialistes du domaine comprennent ce que je dis. Mais, il faut savoir ce qu’on entend par méthodes peu orthodoxes de ces équipes. Sachez que pour certaines opérations, la Communauté urbaine de Yaoundé associe les unités de police et de gendarmerie territorialement compétentes. Mais pour les surveillances ordinaires, quelques agents de la Communauté urbaine sillonnent et libèrent les zones illégalement occupées. Il m’est arrivé moi-même d’accompagner des équipes sur le terrain pour la sensibilisation et de constater que des zones libérées quelques instants auparavant sont de nouveau occupées quelque temps après. Ce que je souhaite que les médias fassent, c’est de ne pas soutenir les comportements inciviques. C’est à eux de dire aux concitoyens que si on vous a interdit d’après...

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