Interview: « La situation humanitaire est préoccupante »

Dr. Mariette Edimo Mboo, enseignante permanente à l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC).

La guerre civile en Ethiopie dure depuis bientôt deux ans déjà. Quelles sont les causes profondes de ce conflit ?
La République fédérale démocratique d’Ethiopie est un Etat fédéral de 115 millions de personnes. Elle compte 13 régions parmi lesquelles le Tigré. Le conflit est officiellement ouvert depuis la nuit du 3 au 4 novembre 2020, entre le gouvernement fédéral éthiopien et la région du Tigré représentée par le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), en plus du Front de libération Oromo (ALO). En effet, le gouvernement éthiopien a accusé les forces du FLPT d’avoir attaqué l’armée fédérale éthiopienne basée au Tigré et a donc décidé de lancer une offensive dans cette région. En réalité même, les tensions politiques dans ce pays se sont ravivées avec l’arrivée au pouvoir en avril 2018 du Premier ministre Abiy Ahmed.

Les autorités régionales du TPLF ayant dominé la vie politique pendant près de 30 ans, lui ont reproché de les avoir écartées du pouvoir et de marginaliser la minorité  tigréennes du pays. De son côté, le gouvernement a accusé le TPLF de soutenir les forces d’opposition favorisant les tensions dans le pays. Cependant, tous ceux qui  avaient  un grief  envers  le TPLF et sa gouvernance  passée de l’Ethiopie  ont apporté leur soutien au gouvernement  fédéral. C’est le cas des régions d’Amhara et d’Afar qui bordent le Tigré. Mais aussi  de l’Erythrée qui a  envoyé des forces  armées en soutien au gouvernement.

Les germes à notre avis de la dislocation de l’Ethiopie se trouvent dans sa Constitution de décembre 1994. En effet, les articles 39 (3), 42 et 47 de ce texte stipulent clairement que le droit à la sécession fait partie du droit à l’auto-détermination des nations, quel que soit leur nombre, leur statut politique ou historique. La seule limitation  de ce droit  est que tous les  organes régionaux ou locaux  doivent  s’acquitter de leurs fonctions et exercer  leurs droits  dans le cadre  des principes  démocratiques, de l’Etat de droit et en conformité  avec  les règles  et l’esprit  de la constitution éthiopienne. Or, c’est précisément cette limitation qui fait problème, entre autres. Puisque l’étincelle qui a mis le feu aux poudres est la tenue des élections au Tigré.

En effet, alors que les élections générales étaient prévues pour la fin aout 2020, la commission électorale, appuyée par le Parlement, a choisi de décaler le scrutin à 2021 en raison de la situation sanitaire, prolongeant ainsi les mandats des élus nationaux et régionaux. Une décision anti-démocratique pour les tigréens qui ont  choisi  de garder  leur bureau de vote ouverts  pour renouveler  le parlement  régional.

Comment comprendre que malgré la trêve devant permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dans certaines zones, peu d’aide seulement ait été expédiée aux sinistrés ?

Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), la situation humanitaire au Tigré est préoccupante, plus de 400.000 personnes ont franchi le seuil de la famine ; l’électricité et les télécommunications sont coupées, les vols suspendus et deux ponts cruciaux pour l’acheminement d’aides ont été détruits. C’est le gouvernement éthiopien qui est accusé de vouloir empêcher l’aide humanitaire d’arriver dans la région. Ce gouvernement a tôt fait de  démentir  toutes responsabilités allant dans ce sens. De l’autre côté,  les rebelles du Tigré ont posé  leurs conditions  pour un cessez-le-feu. Ils demandent le retrait des forces érythréennes et celles d’Amhara, ainsi que la restauration des autorités locales considérés comme dissidentes par Addis-Abeba.

Or, le conflit marqué par de multiples exactions, a provoqué une grave crise humanitaire dans le nord de l’Ethiopie où plus de 9 millions de personnes ont besoin d’aide huma...

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