Livre unique et mafia

Le Conseil national d’agrément des manuels scolaires et des matériels didactiques a révélé il y a une dizaine de jours, l’existence d’une espèce de réseau de contournement de la politique du livre unique. Des éditeurs avec la complicité de plusieurs chefs d’établissements scolaires surtout privés, ont entrepris d’introduire et d’imposer aux parents, des manuels scolaires ne figurant pas dans la liste officielle. Un certain nombre d’ouvrages déjà identifiés sont ainsi rentrés dans le circuit, au grand dam de parents mis devant le fait accompli. La technique est bien huilée : une liste additionnelle est introduite, parfois avec la mention « livres conseillés ». Des livres qui finissent par être utilisés en priorité aux dépens de ceux de la liste officielle. La situation met les enfants face à une contrainte de fait, et les parents n’ont alors d’autre choix que de se plier à l’exigence. Les auteurs de cette manœuvre ont été sommés de cesser toute activités au risque de poursuites judiciaires. Ce serait bien la moindre des actions.
Cette résistance organisée foule proprement au pied l’esprit de la politique mise en place par le gouvernement de la République pour alléger le poids de la rentrée scolaire aux familles. Et pour renforcer l’harmonie au sein du système éducatif camerounais. Une certaine cacophonie y régnait en effet, avec presque autant de manuels que d’établissements scolaires. Et au final, une primauté du business sur la qualité de l’éducation servie à la jeunesse camerounaise dans les établissements scolaires. Tout cela a fait du secteur du livre scolaire, un conglomérat d’intérêts économiques. Avec, hélas, des acteurs qui ont privilégié le profit, sacrifiant allégrement la qualité physique et la qualité des contenus. 
Qu’adviendra-t-il de la dizaine d’éditeurs reconnus coupables de cette forfaiture ? La plus sévère des sanctions, on le souhaite vivement. Pareil pour la cinquantaine de chefs d’établissements scolaires qui se sont rendus coupables de complicité dans cette affaire. Leur cupidité ainsi mise à nu, montre bien qu’ils n’ont pas leur place dans le milieu de l’éducation. Ils devront donc être mis à l’écart pour que la politique du livre unique poursuive sereinement son chemin et joue pleinement son rôle. Cela appelle, de la part des pouvoirs publics, la plus grande rigueur. Et aussi une vigilance permanente. Car il est clair que d’autres tentatives ne sont pas à exclure. Le niveau des enjeux est tel que ces résistances étaient prévisibles. 
Il faut dire que le livre unique est venu s’attaquer à de nombreux intérêts mafieux. Entre les autorités chargés de valider les livres, les éditeurs, les chefs d’établissements et même les libraires, il s’était constitué une sorte de No Man’s land. Dans un mercantilisme à ciel ouvert, des sommes folles ont circulé pour huiler la machine, favoriser des choix et tirer le maximum de profit. La conséquence est celle qu’on a connue au cours des dernières années avant l’entrée en scène du Conseil national d’agrément des manuels scolaires et matériels didactiques. Des listes de livres pléthoriques, avec évidemment beaucoup de superflu. Des manuels achetés, jamais utilisés. Des cartables scolaires surchargés qui ont fait craindre pour la santé des enfants. On n’oublie pas le poids de cette charge sur le budget de la rentrée scolaire dans les ménages. La « cerise » sur ce gâteau de mauvais goût, a été la qualité scandaleuse de certains contenus. De nombreux livres ont fait polémique sur la place publique. En raison de textes et images impropres, voire indécents, d’innombrables fautes de langue. Et aussi de leur fragilité, fruit d’une fabrication désinvolte, au mépris des exigences élémentaires de robustesse. 
C’est dans ce contexte qu’est arrivée la politique du livre unique. Un correctif judicieux que les pouvoirs publics ont apporté à la dérive qui prenait de l’ampleur dans le marché du manuel scolaire. Le décret signé par le Premier ministre chef du gouvernement en novembre 2017 a institué une nouvelle manière de faire, qui consacre la réduction du nombre de livres, avec désormais un seul livre au programme dans chaque matière. Mais aussi la réduction des coûts. Depuis son entrée en vigueur, les ménages ont constaté que la facture des livres s’était con...

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