« L'énergie est un catalyseur essentiel de notre diversification économique »

Patrick Essame Essame, spécialiste en management des marchés de l’énergie.

Le Cameroun est présenté comme un pays regorgeant d’importants atouts en matière de ressources énergétiques, mais les populations ne sont pas satisfaites des services offerts. A quoi cette situation est-elle due ? 
Avant tout, permettez-moi de vous faire un état des lieux de la situation énergétique actuelle. Le Cameroun dispose actuellement une puissance installée d’environ 1540 MW. Un rendement de distribution de 70 % et un taux annuel de demande d’électricité d’environ 4%. Pour une population de 27.2 millions d’habitants, dont environ 1 700 000 disposent d’un abonnement électrique, soit 6,3 % de la population, avec un taux d’accès à l’énergie de 63 % (93% en zone urbaine et 24% en zone rurale. C’est dommage parce que l’objectif du concessionnaire en charge d’une partie de la production et de la totalité de la distribution d’énergie est de vendre l’énergie et non assurer l’alimentation en énergie des populations et en toute sécurité. 

Que faut-il donc comprendre ? 
En réalité, ceci veut dire que nous produisons peu et consommons mal notre énergie. Il faut améliorer les habitudes de consommation. Consommer moins et mieux pour le même usage, éteindre lorsqu’on n’a pas besoin de lumière, éviter le gaspillage. L’efficacité et la sobriété énergétique permettront d’avoir une meilleure gestion de la consommation énergétique et de ce fait d’accroître significativement le taux de disponibilité énergétique pour tous. L’énergie que nous économiserons servira à alimenter des populations qui sont dans le besoin, cela limitera les délestages. Cette situation pèse lourdement sur notre développement économique, l'énergie étant un catalyseur essentiel de notre diversification économique et une incitation à l’investissement privé et étranger.  Comme vous pouvez le constater, le concessionnaire fait face à plusieurs difficultés, faible taux d’abonnés, fraude sur les réseaux, vétusté des infrastructures de distribution de l’énergie, problème de recouvrement des créances dû, très forte variabilité de l’hydrologie dû au changements climatiques, difficultés des approvisionnements en carburant. Conscient de cela, les autorités camerounaises ont entrepris de nombreux investissements évalués à plus de 5.6 milliards de dollars (3760 milliards de F) ces 10 dernières années, et la situation est en cours d’amélioration.  

En 2021, la puissance installée des unités de production d’énergie du Cameroun affichait un peu plus de 1500 MW, laissant encore un déficit énergétique d’environ 100 MW à combler. Avec la croissance de la population et des besoins, pensez-vous que les projets en cours d’exécution ou à venir permettront de combler le besoin ? 
En effet, la consommation d’énergie dépend fortement de l’évolution de la population ainsi que de l’activité économique, et plus précisément de l’activité dans chaque secteur. La stratégie gouvernementale des dix prochaines années se focalise sur le bassin de la Sanaga et le développement du gaz. Nous serons en surproduction énergétique au Cameroun, avec les différents projets de centrales en cours d’ici à 2029, notamment l’usine de pied à Lom Pangar, les barrages hydroélectriques de Nachtigal, Kikot, Chollet, Menchum, les centrales à gaz de Bekoko, Limbé, Kribi, etc.

Dans le secteur de l’énergie, le Cameroun parle de plus en plus du renforcement du mix énergétique. Quels impacts cela pourrait-il avoir sur l’économie ? 
Le gouvernement est conscient du risque hydrologique, et très soucieux des enjeux économiques et climatiques. En augmentant la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique, non seulement nous diminuons notre empreinte carbone, mais aussi nous réduisons la consommation des énergies fossiles, et par ricochet nous améliorons significativement notre intensité énergétique.  Actuellement grâce à notre mix énergétique, nous avons une production d’énergie décarbonée à 71 % (hydroélectricité : 70%/ mini hydro-Solaire-biomasse : 1%) et carbonée 29 % (thermique gaz : 14% / thermique fioul & gazole : 15%). L’énergie produite dans les centrales hydroélectriques, coûte nettement moins cher que les autres sources, raison pour laquelle nous allons mettre à profit notre potentiel hydraulique, et nous tendrons vers un mix énergétique composé de 80 % d’hydroélectricité, 15-20 % de gaz et 5-10 % de renouvelable à l’horizon 2030.  
Néanmoins il y aura une augmentation de la production à partir du gaz qui sera un moyen de réduire ce risque hydrologique, ainsi que les dépenses liées au carburant pour les centrales thermiques à fioul, car la production à partir du gaz non seulement pollue moins mais coute aussi moins chère comparé à la production à partir du fioul. De plus avec l’avènement de la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne qui prendra effet en 2023, avec pour objectif d’imposer un surcoût aux produits importés dans l’espace de l’UE, les produits provenant du Cameroun seront moins taxés grâce à notre mix énergétique faible en émission de Co2, donc plus compétitifs. Le Cameroun qui est à la fois l’Afrique en miniature et terre des opportunités attirera les investisseurs qui souhaitent délocaliser leurs productions. 

De nombreux acteurs sont actifs dans le secteur. Est-ce vraiment efficace ? 
La loi N° 2011/022 du 14 décembre 2011 qui consacre la libéralisation du secteur de l’électricité au Cameroun, fut une aubaine pour l’émancipation du secteur. La multiplication des acteurs est gage d’attractivité et de bonne santé du secteur. Le secteur est segmenté en trois parties : la production (six acteur...

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