Jetx jogo « Il ne faut pas se développer suivant le modèle occidental »

Samuel Nguiffo, expert sur les questions de gestion des ressources naturelles.

L’Afrique paie au quotidien le lourd tribut du changement climatique alors qu’elle ne produit que moins de 4% d’émissions de CO2. Comment peut-elle sortir de cette situation et prendre son destin en main face à ce phénomène ? 
C’est l’un des principaux paradoxes de la crise climatique : nous ne sommes pas tous égaux devant le changement climatique. Il y a d’un côté ceux qui ont plus que les autres contribué aux émissions, et donc au réchauffement de la planète, et les autres, qui portent une responsabilité historique dans les émissions (les vieux pays industrialisés, dont quelques-uns ont aussi été des puissances coloniales), ou qui sont de nouveaux venus dans le « club » des grands pays pollueurs (les nouveaux pays industrialisés). La contribution de l’Afrique aux émissions de gaz responsables du réchauffement de la planète reste marginale (4%, soit presque autant que le Japon). De même, il y a d’un côté ceux qui disposent de la technologie, des ressources financières et de la capacité à appliquer des mesures d’atténuation et d’adaptation dans leurs pays, et  ceux qui sont les plus vulnérables aux effets du changement climatique, parce que les zones géographiques dans lesquelles ils vivent, de même que leur mode de vie, et leur accès limité ressources (technologiques, humaines et financières) les rendent fortement dépendants de la nature et les exposent aux effets de la variabilité de la pluviométrie et des saisons, aux inondations et à la sécheresse, par exemple. Ainsi, notre production agricole dépend encore très fortement de la pluviométrie, et une arrivée précoce ou tardive des pluies aura d’importantes conséquences sur la production, et sur la sécurité alimentaire dans les zones les plus vulnérables. Elles pousseront également les communautés vers les rares zones encore « viables », et ces migrations dictées par les aléas climatiques regrouperont sur les mêmes espaces des communautés aux usages différents, voire concurrentiels de la terre et des ressources, avec les risques de conflits qui en résulteront, sans que les Etats soient toujours préparés à faire face à cette accumulation de défis.   
La crise climatique illustre parfaitement ces injustices, à la fois dans la manière dont est survenu le problème, et dans la répartition géographique et sociale de ses effets, les plus pauvres payant le plus lourd tribut au réchauffement de la planète. Mais elle expose aussi les liens d’inextricable connexité qui unissent les habitants de la planète, en ce sens que nul ne sera, à terme, épargné. Il est donc indispensable que la recherche de solutions devienne véritablement une quête commune, chacun y contribuant avec ses moyens pour atteindre l’objectif commun. Dans ce cadre, l’Afrique, consciente de sa grande vulnérabilité, devrait œuvrer pour procéder à un audit de tous les secteurs (production agricole, sylvicole, élevage, etc., production et consommation d’énergie, construction de l’habitat, etc.) pour en évaluer les possibilité d’adaptation au changement climatique ; identifier et disséminer des technologies et savoirs appropriés, susceptibles de contribuer à une production durable, y compris et surtout dans les zones rurales, afin d’éviter la course à l’adoption du modèle occidental de production et de consommation, qui a montré ses limites ; mettre en place des plans nationaux de développement qui intègrent la contrainte climatique, et adoptent des modèles économes en carbone, qui nous permettront de devenir les pionniers du développement durable. Il est impératif de ne pas céder à la tentation de poursuivre le développement suivant le modèle occidental, et de se préoccuper davantage d’un modèle plus inclusif des plus pauvres.

Dans le cadre du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique, le continent mise sur une capitalisation de 250 millions de dollars pour attirer des investissements. Comment peut-elle mobiliser ces financements ? 
Le programme d’accélération de la déforestation est une initiative louable, qui prend acte des difficultés que les pays africains rencontrent dans leurs efforts visant à développer des activités d’adaptation sur leur territoire. La mise en œuvre de l’adaptation nécessite des moyens technologiques et financiers importants, dont les Etats africains ne disposent pas toujours. Les besoins sont immenses, et ne pourront pas être couverts par les seuls budgets étatiques. Un apport extérieur sera nécessaire, et il est attendu de la coopération internationale et du secteur privé (africain et extérieur au continent). Les sommes attendues sont colossales, et il est certain qu’elles ne seront mobilisées que très progressivement. Deux facteurs majeurs joueront un rôle dans la capacité des Etats africains à collecter ces fonds : la pertinence et la plausibilité des programmes et activités envisagées par l’Etat, et l’efficacité de leur mise en œuvre ; l’appropriation par un large éventail d’institutions étatiques et non étatiques, aux niveaux national et local, avec une bonne capacité d’absorption des fonds et de production de résultats efficaces. C’est un défi qu’il faudra relever, pour accélérer la mobilisation des financements, dans un contexte marqu...

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