Relations Cameroun – États-Unis : ce qui a changé

Ouvert le 13 décembre 2022, le deuxième Sommet États-Unis – Afrique, organisé à l’initiative du président Joe Biden, a pris fin le 15 décembre dernier à Washington D.C. Le Cameroun a été représenté à ces travaux par le président de la République, Paul Biya, accompagné de la première dame, Mme Chantal Biya, et d’une forte délégation constituée de membres du gouvernement. En dehors des assises avec ses pairs auxquelles a participé le chef de l’État camerounais, des membres de sa suite ont eu des entretiens avec des officiels et des opérateurs privés américains. Les échanges ont porté sur la redynamisation de la coopération économique et surtout la lutte contre le terrorisme. Les Américains ont révélé leur intention d’être plus présents au Cameroun dans ces deux domaines. En apportant notamment un soutien plus accru dans la traque contre les commanditaires des actes criminels perpétrés par des bandes armées dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ou encore à travers des investissements dans les secteurs pétroliers et énergétiques. L’avenir s’écrira-t-il donc sur la lancée de ce changement de cap? Pour CT, le Pr. Joseph Vincent Ntuda Ebode, géostratège, analyse les dynamiques du Sommet de Washington D.C et ses retombées probables pour le Cameroun, l’Afrique et le « pays de l’oncle Sam ».
 

Le deuxième Sommet Etats-Unis – Afrique s’est achevé jeudi dernier à Washington D.C. Quelle analyse faites-vous de la participation du Cameroun à ces assises ?
Nous pouvons retenir ici quatre niveaux de lecture. Une première peut porter sur l’identité et la posture du chef de la délégation camerounaise. Une délégation de très haut niveau, conduite par le chef de la diplomatie lui-même (le président de la République) ; ce qui est un fait rare, lorsqu’on fait une lecture sur la longue durée des Sommets de même nature. Une deuxième lecture pourrait porter sur la taille de la délégation camerounaise : une dizaine de ministre, en plus de la présence effective de Mme Chantal Biya, dont l’action dans le champ de l’humanitaire des premières dames, constitue déjà en soi, une référence en Afrique et dans le monde. Une troisième lecture pourrait tourner autour du choix du président de la République comme personnalité ressource devant délivrer la communication de circonstance le 12 décembre 2022 au Milken Institute sur le thème : « Comment la finance peut constituer un atout à l’égard des défis pressants et des opportunités de l’Afrique, et contribuer à la résolution de problèmes apparemment sans solution à l’échelle mondiale ? » C’est, à n’en point douter,  à la fois une marque de reconnaissance de la posture du chef de la diplomatie camerounaise, et de sa capacité à entretenir et persuader une audience composite telle que celle que nous avons eue à Washington D.C
Enfin, et sur le plan de la représentativité sectorielle, le Cameroun s’est déplacé aux États-Unis avec une kyrielle de préoccupations tant communes que spécifiques, dont la réception par ses partenaires américains, quoiqu’à des degrés variables, ont toutes reçu des réponses satisfaisantes. En somme, on peut dire que la participation de la délégation camerounaise à ce second Sommet Etats-Unis – Afrique aura été une victoire diplomatique sur toute la ligne.

Les Etats-Unis ont lancé des poursuites judiciaires contre des personnes soupçonnées de financer le terrorisme au Cameroun depuis le sol américain. Qu’est-ce qui peut expliquer la décision de ce pays qui semblait pourtant très réticent à engager ce type de procédures depuis le depuis de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest ?
La posture américaine actuelle peut s’expliquer par  quatre principales raisons. Premièrement, le contexte de quasi retour à la guerre froide actuellement en cours dans le monde, et particulièrement en Afrique, aurait joué comme un effet d’automatisme sur les autorités américaines. En effet, on semble revivre ce que le président égyptien Nasser avait en son temps qualifié de politique de la bascule et qui constitua un des principes directeurs du non- alignement : « ce qu'on ne me donne pas à l'Ouest, je le cherche à l’Est ». Sur cette base, les États-Unis semblent plus disposés aujourd'hui à prendre mieux en compte les doléances africaines, au risque de pousser les Africains à chercher les réponses ailleurs, principalement chez les Chinois, Russes ou autres pays du groupe des Brics.
Une deuxième raison pourrait provenir de la maturation de leurs propres enquêtes sur la situation sur le terrain au Nord-Ouest et au Sud-Ouest. En effet, on sait que depuis bien longtemps, les Américains enquêtent sur la situation dans cette partie du pays, principalement, en rapport aux interactions de ce conflit sur leur territoire. Une troisième raison pourrait être recherchée dans les actions judiciaires initiées par une partie de la diaspora camerounaise aux États-Unis. Les procédures seraient alors arrivées à leurs termes. Une quatrième raison enfin pourrait être l'aboutissement de l'action diplomatique camerounaise, discrète mais efficace, en rapport à cette question et par rapport aux États Unis.

Lors de l’arrivée du président de la République, Paul Biya, à Washington D.C, certains compatriotes ont été présentés comme des repentis en lien avec la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Cette reddition qui intervient alors que des poursuites sont lancées contre d’autres commanditaires est-elle vraiment sincère ? 
La réponse est complexe. D’un côté on peut penser avec raison que ce sont juste des opportunistes, puisqu’ils ont eu le temps, depuis le Grand dialogue national, et surtout la mise sur pied du Comité de désarmement, de démobilisation et de réintégration pour le faire. Mais, on devrait néanmoins, même dans ce cas, distinguer les investisseurs dans cette criminalité transfrontalière et les personnes instrumentalisées, recrutées par les investisseurs pour poser les actes. En effet, même sur le plan pénal, les premiers encourent des peines beaucoup plus importantes que les seconds. Donc à mon avis, on prend acte, mais on continue les enquêtes pour connaître leur rôle véritable dans cette crise. En vérité, même si on doit pardonner, l’État doit toujours savoir qui a joué quel rôle? Quand ? Où ? Comment ? Avec quoi et pourquoi ?

Au regard de tout ce qui s’est dit entre les deux parties aux plan politique et économique, doit-on s’attendre dans les mois à venir à une vraie offensive américaine au Cameroun ?
Pas du tout. E...

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