« Ce décret accroît de façon implicite notre champs d’intervention »

Me Samuel Ename Nkwane, président de la Chambre nationale des huissiers de justice du Cameroun.

Comment le corps des huissiers de justice a-t-il accueilli le décret présidentiel du 25 janvier dernier qui redéfinit le statut et réorganise cette profession ?
La satisfaction générale observée au sein de toute la Chambre est à la mesure même de l’attente qui n’avait que trop duré, de la signature de ce décret. C’est depuis plus d’une décennie que le projet de ce texte avait été initié. Les travaux de relecture au niveau du ministère de la Justice ont pris plusieurs années pour qu’on aboutisse au résultat heureux qu’on connaît. Il y a 44 années qui séparent le décret du 25 Janvier 2023 et celui qui était jusque-là en vigueur. Il arrive à un moment opportun, au vu du blocage dans lequel se trouvait la profession : la nomination de nouveaux huissiers, l’organisation de l’examen de sortie pour les huissiers ayant terminé leur stage, l’entrée en stage pour les postulants. C’est ce qui explique la satisfaction avec laquelle le nouveau texte a été accueilli à tous les niveaux et qui a dissipé l’ambiance morose que cette attente interminable avait générée. C’est le lieu pour moi, au nom de tous les huissiers de justice de ce pays, d’adresser toute ma gratitude au président de la République pour l’écoute des doléances que nous lui avons soumises à ce propos. Ma reconnaissance particulière également à l’endroit de la tutelle pour sa diligence particulière dans le traitement du projet et le sens de l’ouverture qu’elle a démontré en associant pleinement les huissiers à la confection dudit projet.  

Au moment où le décret est signé, comment se porte la profession d’huissier au Cameroun ?
L’état des lieux de la profession n’affiche pas une image très reluisante. Heureusement, le texte du 25 Janvier dernier est venu améliorer la situation. La Chambre est composée de près de 476 huissiers de Justice titulaires de charges, agents d’exécution, intérimaires et liquidateurs d’Etudes qui exercent leur ministère sur l’ensemble du territoire de la République. Les dernières nominations d’huissiers datent de 2014 ; 180 postulants attendent d’être nommés à une charge d’huissier ; le dernier examen de fin de stage qui concerne près de 200 stagiaires a été organisé en 2000 et depuis cette date il n’y a eu aucune d’admission en stage. C’est vous dire que la profession ne s’est pas renouvelée sur le plan humain depuis des années, et était ainsi dangereusement exposée à la sclérose.

Quelles sont les grandes innovations du décret signé par le président de la République, pour l’amélioration du travail des huissiers ?
D’abord, ce décret érige ce professionnel du droit en officier public. Dans le texte de 1979, il n’avait que la qualité d’officier ministériel. Depuis lors, il est officier public, c’est-à-dire délégataire de la puissance publique de l’Etat au nom duquel il confère l’authenticité aux actes relevant de son ministère. Ce n’est pas anodin, notamment lorsqu’il s’agit d’apprécier la force probante des actes qu’il pose. Il faut souligner que l’huissier de Justice était considéré jusque-là comme tel en fait. Mais cette consécration officielle renforce son statut et met enfin un terme au débat qui avait cours à propos. C’est certainement au vu de cette innovation que l’article 17 du Décret dispose que l’Etude d’un Huissier est « …inviolable et insaisissable. Elle ne peut être scellée ou faire l’objet d’une perquisition que dans les conditions fixées par les textes en vigueur ». Ensuite, le décret du 25 Janvier 2023 accroît de façon implicite le champs d’intervention de l’huissier de Justice. Certes, ses missions classiques sont reprises à l’article 2. Mais lorsqu’on examine l’article 30 du texte qui dresse la liste des registres à la tenue desquels l’huissier de Justice est astreint, on remarque qu’à ceux classiques s’ajoute notamment le répertoire général en matière d’arbitrage et de conciliation. Il le faisait officieusement mais pas illégalement. Il a le loisir désormais de le faire officiellement. D’ailleurs, en sa qualité de « juriste de proximité », l’huissier, de façon récurrente, mène cette activité de conciliation dans son Etude pour éviter l’exécution aveugle et sauvage des décisions de justice qui peut faire sombrer dans le chaos des situations qu...

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