Discours haineux : « Il s’avère urgent d’apporter une réponse vigoureuse et appropriée »

L’intégralité du propos liminaire du ministre de la Communication, porte-parole du Gouvernement, René Emmanuel Sadi, lors de la conférence de presse de mercredi dernier.

« Monsieur le président de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme ; 
Monsieur le ministre de l’Administration territoriale ; 
Mesdames et messieurs les professionnels des médias ; 
Distingués invités ; 
Mesdames, messieurs ;  
Je vous souhaite une cordiale bienvenue ici dans la Salle, auditorium du ministère de la Communication, à l’occasion de cette conférence de presse conjointe, qui va porter pour l’essentiel sur la montée vertigineuse des discours de haine dans notre pays, et les mesures que le Gouvernement de la République entend prendre, pour faire face à ce grave péril qui menace la stabilité de notre tissu social, de même que les valeurs cardinales de la République, auxquelles nous sommes attachés. 
Je veux saluer à cette occasion, pour m’en féliciter, la présence à cette importante rencontre avec la presse, de Monsieur Peter Mafany Musonge, président de la Commission Nationale pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme, et celle de Monsieur Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration Territoriale, qui pourront prendre la parole tout à l’heure, afin d’apporter leurs points de vue, et des éclairages supplémentaires sur ce sujet sensible, qui constitue en ce moment une réelle préoccupation. 
Mesdames, Messieurs ; 
Depuis plus d’une décennie, le monde entier assiste à un déferlement sans précédent des discours de haine dans l’espace public, amplifiés par l’extraordinaire développement de l’Internet et des réseaux sociaux, et portant gravement atteinte aux valeurs démocratiques, à la paix sociale, et partant à la stabilité des Etats. 
Cette situation génère des défis complexes pour nos sociétés, au moment même où l’emprise du numérique impacte la diffusion des informations à travers les médias, et que les dynamiques en cours dans le monde ont fait émerger de nouveaux types de comportements. 
La Communauté internationale a pleinement pris conscience de cette grave menace, au point que l’Unesco, en sonnant l’alerte, a jugé utile de donner une définition conceptuelle de ce phénomène. 
Pour l’Unesco en effet, le discours de haine est considéré comme « tout type de communication, orale ou écrite ou de comportement, constituant une atteinte ou utilisant un langage péjoratif ou discriminatoire, à l’égard d’une personne ou d’un groupe, en raison de leur identité, en d’autres termes, de l’appartenance religieuse, de l’origine ethnique, de la nationalité, de la race, de la couleur de peau, de l’ascendance, du genre ou d’autres facteurs constitutifs de l’identité ».  
De ce point de vue, il va sans dire que la lutte contre les discours de haine doit être perçue comme une priorité absolue pour la sauvegarde de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que la préservation des valeurs de paix, d’unité et du vivre-ensemble. 
Raison pour laquelle, la Communauté internationale en fait aujourd’hui une cause commune et en appelle à une mobilisation tous azimuts contre les discours de haine à l’échelle planétaire. 
Aussi sommes-nous, à maints égards, concernés. 
Alors que nous nous apprêtons à célébrer le cinquante-et-unième anniversaire de la Fête nationale de l’Unité, l’on assiste ces derniers temps, à une montée en puissance de ce fléau dans l’espace national, au point qu’il est devenu, à la fois impérieux et urgent, de tirer la sonnette d’alarme, et d’appeler les uns et les autres à une prise de conscience collective des conséquences néfastes de l’enracinement de telles pratiques dans les usages quotidiens. 
L’ampleur de ce phénomène est telle qu’il atteint tout le corps social, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes, des adolescents, des jeunes ou des adultes. 
Les acteurs de la société civile, les intellectuels, les hommes politiques, les activistes de tous ordres, les lanceurs d’alerte et autres influenceurs comptent, il faut le relever, parmi ceux qui alimentent et entretiennent ce climat malsain et déplorable. 
Parmi les manifestations les plus courantes des discours de haine dans notre pays, il y a la discrimination et la stigmatisation ethniques et sociales, le tribalisme, les revendications 
irrédentistes, les appels à la sédition, et parfois au génocide, les violences à l’encontre du genre et des minorités, et j’en passe. 
Ces discours de haine s’expriment par ailleurs avec véhémence à travers les canaux médiatiques, tant dans les médias conventionnels (presse écrite, radio, télévision), que dans les médias en ligne, mais surtout dans les réseaux sociaux. 
Bien évidemment, nombre de causes peuvent être à la base de tels comportements. 
Je citerai en premier, l’environnement socio-économique où le coût de la vie, une certaine précarité offrent un prétexte facile à certains pour vilipender les mieux nantis et crier à l’injustice sociale. 
Il y a aussi les enjeux de la vie politique, où pour certains, la convoitise effrénée du pouvoir a pris le pas sur le débat d’idées, faisant fi des règles basiques du jeu démocratique, transformant l’arène politique en un champ de bataille où priment la haine, l’invective, la violence verbale, la mauvaise foi, l’incitation à l’insurrection, l’intimidation, les menaces de toute nature et bien d’autres dérives. 
L’une des illustrations à déplorer ces dernières années aura été cette soi-disant Brigade Anti-Sardinards qui s’est faite remarquer par de nombreux actes condamnables à l’Etranger, qui ont gravement porté atteinte à l’image du Cameroun. 
On pourrait rappeler sans s’y attarder outre mesure : le saccage de nos Ambassades, des manifestations inopportunes contre les visites du chef de l’Etat à l’Etranger, l’appel au boycott des manifestations culturelles organisées par des artistes de certaines régions ou sympathisants de certaines formations politiques, autant d’actes et de comportements de nature à semer la discorde et la haine. 
Il y a en outre la montée des replis identitaires qui battent en brèche le sacro-saint principe maintes fois proclamé et rappelé par le chef de l’Etat, principe qui veut que tout citoyen camerounais se sente chez lui où qu’il soit au Cameroun.  
On voit naître malheureusement de plus en plus, divers conflits : entre autochtones et allogènes, nés en particulier de revendications foncières ; entre agriculteurs et éleveurs, autant de situations qui procèdent du tribalisme et de la xénophobie. En un mot, des situations qui se traduisent par le rejet de Camerounais par d’autres Camerounais. 
Dans le registre des faits marquants susceptibles de fragiliser l’Etat, il convient également de mentionner le recul des valeurs républicaines et morales qui constituent le socle des pré-requis sur lequel reposent la solidité et la stabilité de notre pays, à savoir la paix, l’unité et l’intégrité nationales, le respect des Institutions et de ceux qui les incarnent. 
Aux causes que je viens de mentionner, on pourrait ajouter l’ensemble des à priori anthropologues, des préjugés sur la base desquels des groupes ethniques se confèrent une prééminence sur d’autres, s’adjugeant de ce fait un droit à des privilèges particuliers au sein de la Nation. Ce qui engendre parfois de la disharmonie, voire des heurts dans la cohabitation inter-ethnique et requiert que nous affirmions qu’il n’y a pas d’ethnies supérieures ou inférieures au Cameroun, et que toutes les composantes ethniques sont égales dans notre pays. 
C’est dire, mesdames, messieurs, que l’existence et l’exacerbation des discours de haine constituent une menace réelle à la cohésion sociale et à la stabilité de notre pays. 
Il s’avère donc urgent et impérieux d’y apporter une réponse à la fois vigoureuse et appropriée. 
Pour ce faire, le Gouvernement entend dans un premier temps, sensibiliser la Nation tout entière, par des actions d’éducation et de communication, qui s’inscriront dans le cadre d’un plan national d’éducation et de formation à la culture citoyenne. 
Cette démarche stratégique prescrite par le chef de l’Etat, Son Excellence Paul Biya, se déclinera en deux axes majeurs : un axe médiatique, à travers la mobilisation de l’ensemble des médias nationaux en faveur de cet objectif, et un axe hors-média mettant à contribution l’éducation initiale à la base, des jeunes, des adolescents et des tout-petits. 
Mais parallèlement à la sensibilisation des citoyens, le Gouvernement, en tant que de besoin, pourra recourir à la législation en vigueur, afin d’amener les auteurs des discours de haine à répondre de leurs actes devant la Justice.   
C’est le lieu de rappeler en effet, qu’en dehors des instruments juridiques internationaux traitant des discours de haine dûment ratifiés par le Cameroun, un ensemble de textes de droit règlemente en interne, les discours de haine dans notre pays.  
Ainsi, outre la Constitution, la loi n°2019/020 du 24 décembre 2019 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi N° 2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal, dispose en son article 241 (nouveau) ce qui suit :  
Alinéa 1 : « Est puni d’un emprisonnement de six (06) jours à six (06) mois et d’une amende de cinq mille (5000) à cinq cent mille (500 000) francs, celui qui commet un outrage tel que défini à l’article 152 du présent code, à l’encontr...

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