« Le dialogue national pourrait être une partie de la solution »

Depuis l’arrivée au pouvoir du président William Ruto, le Kenya traverse une zone de turbulences. Qu’est-ce qui peut expliquer cette situation ?
Il est important d’entrée de jeu de rappeler que William Samoei Ruto a remporté l’élection présidentielle face au candidat Ra?la Odinga, soutenu par le président sortant, Uhuru Kenyatta. Le scrutin a été marqué par des tensions et une forte abstention selon le décompte de la Commission électorale du Kenya, le vice-président sortant, William Ruto, a cumulé plus de 7,17 millions de votes, soit 50,49% des voix. Son opposant Raila Odinga, vétéran  de l’opposition, a lui remporté environ 48,85% des suffrages exprimés. C’était la cinquième fois que M. Odinga, 77 ans, se présentait à la présidentielle. Pour justifier sa défaite, le candidat malheureux allègue dans un argumentaire juridique cinglant de 70 pages, qu’il y a eu un apport pré-planifié pour modifier le résultat. Surtout que quatre des sept commissaires électoraux ont refusé d’approuver les résultats, affirmant de ce fait que la manière dont les résultats finaux ont été comptabilisés était opaque. Malgré toutes ces allégations, William Samoei Ruto prête serment comme président de la République kenyane et jure de préserver, protéger et défendre la Constitution. Ainsi, le 13 septembre 2022, il succède à Uhuru Kenyatta, devenant alors le 5e président kenyan depuis l’indépendance. Toutefois, depuis lors, le Kenya est confronté à des manifestations sur presque toute l’étendue du territoire. 

Les motifs affichés de ces manifestations ne sont donc que des prétextes ?
Au mois de juin dernier, le président de la République promulgue une loi de finances qui instaure de nombreuses nouvelles taxes. Or, les leaders de l’opposition estiment que cette loi de finances est une erreur. Pour le gouvernement, il s’agit de renflouer les caisses de l’Etat, lourdement endetté, notamment par les grands projets d’infrastructures de son prédécesseur Uhuru Kenyatta dont il fut le vice-président. La dette publique kenyane culmine  à 65 milliards d’euro (67% du produit intérieur brut) et son remboursement devenait de plus en plus  couteux avec  la  dépréciation  continue du Shilling (unité monétaire principale du Kenya et de plusieurs autres pays africains). Sans oublier que l’augmentation des salaires du chef de l’Etat et de plusieurs autres membres du gouvernement doit en moyenne croitre de 14% sur deux ans et cela intervient alors que les nouvelles taxes prévoient une hausse de la TVA sur les carburants de 8 à 16% ainsi qu’un prélèvement sur les salaires pour financer un programme de logement à bas prix, prévu à 3%, même si réduit finalement à 1,5%. La coalition de l’opposition a donc décidé le 27 juin  dernier de  mener d’éventuelles actions, parce que pas convaincue. 

Quelles actions à entreprendre pour ramener le calme ?
Pour comprendre l’attitude de Ra?la Odinga il faut revenir 33 ans en arrière.  En effet, le 7 juillet 1990, des milliers de Kenyans bravent la dictature Daniel Arap Mo? (parrain en politique de William Ruto) et dans les rues pour réclamer la fin du parti unique. Trois jours plutôt, les meneurs de la contestation ont été arrêtés et parmi eux, Raila Odinga. La répression est féroce, mais  le mouvement finit  par l’emporter  fin 1991. Le régime de Mo? modifie  la Constitution  et s’ouvre  au multipartisme. Depuis lors « saba saba, soit 7-7, pour 7 juillet en Swahili a été le cri  de ralliement  de nombreuses  batailles politiques au Kenya). M. Odinga a lancé une nouvelle vague de manifestations et par ce fait, appelé ses partisans à se mobiliser contre la nouvelle loi  de finances. Il a également  annoncé le lancement  d’une pétition à cet effet et même pour tenter obtenir le départ  William Ruto. C’est donc à la fin  de ce rassemblement  que ses partisans ont entamé une marche non autorisée  vers le centre-ville de Na?robi, que les affrontements ont éclaté faisant plusieurs mo...