« Nous ne subissons plus que des incursions de prédation »

Midjiyawa Bakari, gouverneur de la région de l’Extrême-Nord.

Monsieur le gouverneur, après 10 ans de guerre contre la secte terroriste Boko Haram, comment se porte la région de l’Extrême-Nord ?
Ce n’est un secret pour personne. A ce jour, la situation est calme. Ceci dure depuis plus de cinq ans. Nous n’avons plus d’attaques de kamikazes. Nous avons certes des incursions çà et là dans la zone de Tourou, département du Mayo-Tsanaga. Cela est dû au relief. Nous avons une montagne qui sépare les deux pays, le Cameroun et le Nigeria. Il suffit de l’escalader et aller commettre des forfaits de l’autre côté, puis de revenir. Et bien plus, à l’analyse, ce sont des incursions de prédation. Etant dos au mur, les terroristes cherchent de quoi se nourrir. Ils subissent à chaque fois les bombardements de notre armée, ainsi que celles de la Force multinationale mixte. Leur capacité à agir été fortement réduite.


Peut-on donc affirmer que Boko Haram est déjà vaincue ?
Nous avons vécu, durant des années, les affres des terroristes de Boko Haram à tel point que les gens étaient dans une grande psychose. Un accident de circulation pouvait être interprété comme un acte de Boko Haram. Il a fallu du temps pour apprendre aux populations à faire le distinguo. C’est un travail de sensibilisation qui a permis d’extraire le bon grain de l’ivraie. Boko Haram dans sa formule de 2013 et de 2014, c’était des carnages. Ils tiraient sur tout ce qui bougeait. Ils enlevaient des personnes. Tel a été le cas des missionnaires, la famille Fournier, la famille du vice Premier-ministre de regretté mémoire, Amadou Ali, etc. Les kamikazes, on les a connus dans les marchés, les mosquées, les églises, etc. Quand les chrétiens étaient dans les églises, ce sont les musulmans qui montaient la garde et vice-versa. Les stratégies mises sur pied nous ont permis de comprendre qui est Boko Haram.  Ce sont des gens sans foi ni loi. Des analphabètes qui ont pu convaincre les jeunes de les suivre en leur proposant monts et merveilles. Une fois rendus à leurs bases, ces derniers se rendent compte qu’ils ne sont ni plus ni moins que des esclaves.


Comment est-on parvenu à en extirper un bon nombre de leurs griffes ? 
Quand le chef de l’Etat leur a tendu la main en créant le Comité national de désarmement, démobilisation, et de réintégration, ils venaient par vagues. Parmi eux, on comptait beaucoup plus de Nigérians car, ici au Cameroun, les conditions d’accueil sont plus intéressantes. C’est pour dire qu’aujourd’hui la situation est plus calme. Et ceci grâce à la politique du chef de l’État. Quand on arrivait ici, la région n’était pas érigée en 4e Région militaire interarmées. Le général qui commandait venait de Garoua dans le Nord. Pour quitter et aller pour une intervention vers le Logone-et-Chari, il fallait parfois trois jours. Aujourd’hui le trafic a recommencé, on a rouvert les marchés de Banki et de Fotokol. Bref, l’économie redécolle.


Comment gérez-vous les problèmes des réfugiés et des déplacés internes ?

Nous avons une tripartite avec le Nigeria et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce cadre nous permet de voir comment ramener chez eux ceux qui le désirent. Il faut préciser que le rapatriement est volontaire, car nul ne peut être contraint de quitter un pays. Ceci d’autant plus qu’il est venu pour sauver sa vie. On vérifie d’abord si les conditions d’accueil sont telles qu’ils peuvent revenir. Nous en avons déjà raccompagné 10 000. Nous nous préparons à renvoyer d'autres. Ces derniers ont été accompagnés par les partenaires au développement pendant 10 ans. Mais la vie au camp des réfugiés de Minawao devient de plus en plus difficile. D’autres foyers de tensions naissent. Ce qui fait que l’aide doit être réorientée. Nous avons informé la hiérarchie de cette situation. Aujourd’h...

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