« Une volonté de l’Etat d’augmenter les dépenses »
- Par Junior MATOCK
- 24 juin 2024 14:59
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Dr Patrice Ongono, économiste, enseignant à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’Université de Yaoundé II.
Le président de la République a signé le 20 juin dernier une ordonnance modifiant et complétant certaines dispositions de la loi du 19 décembre 2023 portant loi de finances 2024. Globalement, quelles sont les raisons qui expliquent ces changements qui ont conduit à une hausse du budget de l’Etat qui passe de 6 740,1 milliards de F à 7 278,1 milliards ?
Le budget de l’Etat n’est qu’une prévision des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’année à venir, dont la réalisation est autorisée par le parlement par l’intermédiaire d’une loi appelée loi de finances. Si l’environnement économique, national et international se modifie en cours d’exercice, les prévisions des recettes et/ou des dépenses de l’Etat seront également modifiées. La hausse du budget de l’Etat qui passe de 6 740,1 milliards de F à 7 278,1 milliards peut se justifier soit par une amélioration de la capacité du gouvernement à mobiliser les recettes, ce qui va le pousser à accroître ses dépenses pour offrir plus de prestations à ses citoyens ; soit alors parce que la situation socioéconomique lui impose d’engager des dépenses supplémentaires qui n’avaient pas été prévues dans la loi de finances initiale, et cela va nécessiter des ressources supplémentaires soit par l’impôt, soit par l’emprunt. On peut penser que cette hausse du budget est beaucoup plus due à la volonté du gouvernement d’augmenter les dépenses. Lorsque la hausse du budget provient de l’amélioration de la capacité de mobilisation des recettes, l’Etat n’a pas besoin ni d’augmenter les taux d’imposition, ni d’engager de nouveaux emprunts. Mais pour ce qui nous concerne, on note que les tarifs de certains droits et autres frais administratifs ont augmenté et que les emprunts de l’Etat vont passer de 1489,4 milliards dans la loi initiale à 1977,4 milliards de F dans la loi modifiée, soit un endettement supplémentaire de 488 milliards de F.
L’une des modifications phares porte sur le relèvement du droit de timbre sur les cartes nationales d’identité qui passe de 2800 F à 10000 F. Cette hausse est-elle compréhensible ?
Il est clair que sur le plan fiscal, cette hausse est compréhensible, puisqu’elle permettra au gouvernement de mobiliser des recettes pour la modernisation du système de délivrance de la carte nationale d’identité (CNI). La délivrance de ce document comme vous le savez, est confrontée à quelques difficultés, si on s’en tient au nombre important de personnes détentrices de récépissés de CNI ayant fait l’objet d’une multitude de prorogations de la validité. Il est donc tout à fait nécessaire que des ajustements, qui ne sont pas sans coût, soient faits pour que chaque citoyen camerounais, qui en fait la demande, puisse bénéficier de ce précieux document.
L’enveloppe des emprunts sur les marchés financiers et bancaires intérieurs et extérieurs, etc. connaît aussi une évolution et est désormais fixée à 747 milliards de F. En quoi cela est-il opportun et pertinent ?
L’ordonnance précise que le plafond des emprunts à mobiliser sur le marché financier intérieur, notamment par émission de titres publics (obligations et bons du trésor), est fixé à 280 milliards de F et que ce montant sera destiné au financement des projets de développement. A cet effet, on peut noter que les ressources consacrées à la reconstruction des zones reconnues économiquement sinistrées des régions de l’Extrême-nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest passent de 30 milliards de F dans la loi de finances initiale à 35 milliards de F dans la loi modifiée. Quant au plafond de 467 milliards de F des ressources à mobiliser sur les marchés bancaires extérieurs, il est destiné à l’apurement des restes à payer (différence entre les autorisations d’engagement et les paiements effectués dans l’année). L’apurement des restes à payer contribuera à donner un coup de pouce aux entreprises privées, notamment les PME, qui effectuent des prestations pour le compte de l’Etat et qui s’endettent parfois auprès des banques pour la réalisation de ces prestations. En consacrant les ressources mobilisées sur les marchés bancaires extérieurs à l’apurement des restes à payer, le gouvernement compte injecter 467 milliards dans le secteur privé.
L’article 85 fait mention de l’encadrement des cessions aux banques des créances des entités publiques et privées vis-à-vis de l’Etat dont le plafond est porté à 170 milliards pour 2024. De quoi s’agit-il concrètement et quel pourrait être l’impact sur l’économie ?
Il faut préciser que dans la loi de finances initiale, l’article 85 ...
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