Prise de parole en diplomatie : l’épreuve du mot juste

Un ambassadeur encore en poste qui révèle quelques secrets sur son métier dans un livre. Ce n’est pas donné. C’est pourtant le pari pris par Jean Koe Ntonga, ambassadeur du Cameroun au Sénégal et au Mali, avec juridiction en Mauritanie, en Gambie, en Guinée-Bissau et au Cabo-Verbe. Ce diplomate chevronné vient de publier en deux tomes de 726 et 738 pages respectivement, aux Editions L’Harmattan Sénégal, ses « Discours, interventions et communications ». Il s’agit d’une compilation de 200 prises de parole publiques à des occasions différentes. Lesquelles permettent au lecteur de mieux comprendre comment s’exprime un chef de mission diplomatique. En plus du Sénégal où il est actuellement en poste, le recueil couvre aussi le séjour de l’auteur au Gabon, autre pays où il a servi comme ambassadeur entre 1996 et 2008. Le livre sera officiellement présenté au public ce mercredi après-midi au cours de la cérémonie de dédicace prévue à l’Institut des Relations internationales du Cameroun (IRIC). Pour CT, l’auteur, Jean Koe Ntonga, présente l’intérêt de cet ouvrage et en profite pour expliquer le travail d’un ambassadeur camerounais et révéler les codes qui structurent ses prises de parole publiques. 

Monsieur l’ambassadeur, vous venez de publier un livre en deux tomes qui reprend certaines de vos prises de parole dans le cadre de votre travail. Qu’est-ce qui a motivé ce projet éditorial ?
Je précise d’emblée que ce ne sont pas des mémoires. Ici, il s’agit plutôt de discours. En fait, en tant qu’ambassadeur, de temps en temps, je suis invité pour parler de divers sujets, notamment de la situation politique au Cameroun. C’est aussi l’occasion pour moi de m’adresser aux Camerounais des pays dans lesquels je suis. L’ambassadeur a le droit et le devoir de les conscientiser sur le patriotisme. Il faut leur rappeler qu’ils ne sont pas une colonie, mais plutôt une communauté qui s’intègre dans un pays d’accueil dont ils doivent respecter les autorités. Et comme on nous accueille en nous offrant l’hospitalité comme au Sénégal où je suis actuellement, nous devons aussi apprendre à vivre avec eux dans tous les sens du terme. Il est question de non-ingérence dans les affaires internes des pays d’accueil. 
L’ambassadeur résout également les problèmes entre Camerounais et promeut le vivre ensemble, l’unité, la solidarité, etc. Et ceci, peu importe leur orientation politique. Il doit organiser la communauté camerounaise. J’insiste sur l’importance pour les Camerounais qui se trouvent à l’étranger de toujours respecter les lois et règlements du pays d’accueil. Je note que les Camerounais de la diaspora ne sont pas des gens à part. Le gouvernement est entièrement avec eux. Lorsqu’il y a par exemple eu le Covid-19, le président de la République a pris des mesures pour que leur soit portée assistance. Et tout ce que je viens d’expliquer se reflète dans ce livre. 


Dans ces livres, il y a environ 200 discours, interventions et communications étalées sur 24 ans. Comment les avez-vous choisies ?
En réalité, tout n’a pas été publié. J’ai même laissé quatre tomes de manuscrit à Dakar sur décision de l’éditeur. J’ai choisi les discours publiés en fonction du temps, du contenu, de l’intérêt et de la diversité des sujets. Il y a à la fois des évènements heureux et malheureux. Lorsqu’il y a eu le déraillement à Eseka par exemple, j’ai organisé une messe pour le repos des âmes des disparus et j’ai pris la parole à cette circonstance tragique. Mais il y a également des évènements heureux comme la Fête nationale. Ce sont mes propres discours, rédigés par mes soins. Donc j’assume entièrement ce qui s’y trouve.


Lorsque vous, ambassadeur, prenez la parole en public, comment choisissez-vous vos mots ?
Justement, ce n’est pas une banale opération. Lorsque vous vous exprimez, vous devez faire attention. Vous devez bien peser vos mots. On choisit des mots avec une certaine force, des mots pleins de conviction pour mieux communiquer. Et vous parlez au nom du gouvernement camerounais. Vous ne vous exprimez pas n’importe comment. On choisit ses mots pour refléter ce que le gouvernement camerounais dit. Je rends compte également à Yaoundé de ce que fait le gouvernement sénégalais. Et si on me pose des questions auxquelles je ne peux pas répondre, je dirais clairement que la diplomatie camerounaise c’est à Yaoundé. C’est-à-dire que tant que Yaoundé ne m’a p...

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