« Il faut renforcer le contrôle des activités de ces organisations »

Dr Freddy Lagme, géostratège, enseignant à l’Université de Douala.

L’implication des organisations à but non lucratif dans le financement du terrorisme et le blanchiment des capitaux a été abordée le 21 octobre dernier lors d’un atelier présidé à Yaoundé par le ministre de l’Administration territoriale. Quel rôle peuvent jouer ces associations dans le cadre des crimes évoqués plus haut ? 
La campagne internationale en cours contre le financement du terrorisme a démontré que les terroristes et les groupes terroristes exploitent le secteur des organisations à but non lucratif (OBNL) pour lever et déplacer des fonds, fournir une aide logistique, encourager le recrutement de terroristes ou, autrement, soutenir des organisations et opérations terroristes.  Les OBNL ont des caractéristiques qui les rendent particulièrement attractives pour les terroristes ou vulnérables au mauvais emploi pour le financement du terrorisme. 
Elles jouissent de la confiance publique, ont accès à des sources considérables de fonds et leurs activités sont souvent menées avec des sommes en espèces de manière intense. Ces associations peuvent également s’exposer à un grand nombre de bénéficiaires, dont certains peuvent être vulnérables à la radicalisation. De plus, elles peuvent avoir une présence mondiale qui fournit un cadre pour des opérations transnationales, y compris dans les zones d’insécurité affectées par des conflits où des groupes terroristes peuvent se trouver ou chercher à opérer. Tout porte à croire que l’action du terrorisme est étroitement liée au financement des réseaux mafieux qui se dissimulent encore dans l’action humanitaire à caractère international.


Comment évaluez-vous le dispositif actuel de lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent au Cameroun ?
Les dispositions prises pour encadrer les organisations non gouvernementales et à but non lucratif qui financent le terrorisme restent encore théoriques et non empiriques. L’expérience du terrain fait état de ce que les acteurs terroristes sont parfois recrutés dans des camps de réfugiés qui ne sont pas correctement contrôlés et identifiés par les forces étatiques. Par ailleurs, il y a un autre lien entre le financement du terrorisme et le commerce, en ce sens qu’il y a un accroissement probable des financiers du terrorisme qui utilisent des pratiques frauduleuses basées sur le commerce pour collecter, transférer, et utiliser des fonds et des avoirs, ainsi que la confiance grandissante au blanchiment de capitaux basé sur le commerce par les financiers du terrorisme. 
De même, le Groupe d’action financière (GAFI) note l’exploitation potentielle du système de commerce international par les financeurs du terrorisme et des organisations criminelles en générant des sommes d’argent colossales à travers de fausses facturations en import-export. Des experts notent qu’en sous-facturant un produit particulier, un vendeur ou une compagnie peut transférer d’énormes sommes à un acheteur qui, en retour, le vend à un prix élevé et utilise le bénéfice pour financer le terrorisme. Par ailleurs, le transfert et la distribution d’argent, tout en achetant et en transférant des produits sous le couvert d’affaires légales ou de soutien humanitaire et leur éventuelle vente pour du liquide est une technique efficace pour le financement du terrorisme. Voilà différentes voies de financement exposées qui échappent au contrôle des États. La condamnation de ces organisations est donc une opération non négligeable, mais reste aléatoire.


Puisque le phénomène persiste, qu’est-ce qui peut être amélioré dans ledit dispositif ? 
Il faut infliger des sanctions à des organisations et associations qui sont concernées par le financement du terrorisme, mais surtout à partir des faits élucidés. Il faut renforcer la sécurité et le contrôle aux frontières pour davantage filtrer le commerce transfrontalier. Les terroristes exploitent également les difficultés politiques, socio-économiques et sécuritaires existantes telles que la pauvreté, les privations, la violence et l’instabili...

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