Manu Dibango : deux choristes lui rendent hommage

L’exposition photographique « Soul Makossa Man », de Samuel Nja Kwa, dérivée du beau-livre du même nom et du même auteur, a pris ses quartiers à bord du musée maritime de Douala depuis le 20 novembre 2024. L’évènement culturel, artistique et historique, prévu jusqu’au 20 décembre prochain, est découpé en plusieurs moments forts. L’un d’eux a eu lieu vendredi 22 novembre, lors d’une rencontre avec le public, où Florence Titty-Dimbeng et Sissy Dipoko, les deux premières choristes africaines de Manu Dibango sont venues parler de leur expérience auprès du saxophoniste. Florence, nièce de Manu en plus, n’a pas compté les années de carrière auprès de son oncle, mais elle les a situés entre la fin des années 70 et 1995. Aujourd’hui directrice artistique et productrice de spectacles, elle est une vraie historienne non seulement de la vie de Manu Dibango, mais aussi de la France musicale des années 80. Sissy Dipoko de son côté, cousine de Florence, soit dit en passant, a abandonné ses études et sa carrière de mannequin chez Paco Rabanne pour suivre « Tonton Manu » pendant dix ans, dès leur rencontre en 1982.
A travers leurs mots, Manu, l’être au-dessus des mots comme icône, légende, reste immortel. Leur grand regret, l’abyssale différence d’égards pour l’illustre personnage là-bas et ici. Là-bas, en Occident, il est une figure mythique. Là-bas en France par exemple, la mairie de Paris a fait poser une plaque sur l’immeuble où a habité l’artiste « multiversel » de 1980 à 1993, au 176 boulevard de Charonne, dans le 20e arrondissement : « Ici a vécu Manu Dibango ». C’est devenu un lieu de tourisme et de pèlerinage, les gens viennent à Paris pour voir ce lieu, raconte sa nièce. A l’inverse, ici au Cameroun…

 

Comment a débuté votre aventure musicale avec Manu Dibango ? 
Florence Titty-Dimbeng - Je suis sa nièce. J’ai toujours été dans ses parages. Etant enfant ici à Douala, Manu tenait un club qu’on appelait « Le Tam-Tam » à Akwa et tous les jeudis après-midi, Ma sœur Agnès et moi, comme nous n’avions pas cours, allions regarder les répétions avec ses musiciens. Ça a duré une année scolaire. Plus tard, je vais faire mes études en France. Je suis en stage de conseillère juridique dans un cabinet à Paris et un jour, j’en ai ras-le-bol. Je rentre à la maison, je l’appelle et il me demande de passer chez lui. On bavarde et il me dit, l’histoire se répète, parce que lui aussi avait aussi tout laissé tomber pour faire de la musique. De mon côté, je faisais déjà de petites apparitions sur ses titres en studio, mais la musique était un passe-temps. Ce jour-là, il m’a demandé de le rejoindre sur la route et on ne s’est plus quitté pendant de nombreuses années. 
Sissy Dipoko - J’allais faire mes études aux Etats-Unis en passant par la France. Manu rentrait de sa période ivoirienne où il avait fini son contrat. A son retour, il trouve une chanson qui marche très fort à Paris, « Nen Lambo » de Bill Loko. J’avais fait les chœurs dans cette chanson. Manu était très étonné d’entendre une chanson chantée par des choristes camerounaises, africaines. Il en cherchait depuis un moment. Il demande qu’on nous amène chez lui, nous y allons. Nous sommes trois et il nous fait passer un test. Il se met au piano et joue « Françoise » de Toto Guillaume. Alors, j’ai chanté. Mais attention, je n’étais pas chanteuse, pas du tout ! Ce n’était pas mon destin, du moins, c’est ce que je pensais. Ensuite un jour, il m’appelle et me demande de passer. Il appelle sa nièce Florence et nous dit, « si je vous forme et je vous mets ensemble, ça va être du tonnerre de Dieu ! » J’ai accepté et ça m’a causé de gros problèmes avec mes parents. Mais j’ai tenu tête et j’ai trouvé une autre qui tenait aussi tête. Nous avons décidé de montrer à nos parents que la musique, c’est aussi un métier.

Alors, c’est quoi être choriste de Manu Dibango ?
Florence Titty-Dimbeng - Nous étions des choristes pas comme chez les autres artistes. Manu nous utilisait comme des instruments de musique, nous étions les compléments des musiciens. Il écrivait des chants où il y avait des phrases, des mots, des histoires que nous devions reporter au public, mais toujours comme si nous étions des instruments de musique. Nous improvisions, mais pas complètement. Il y avait toujours des répétitions avant, il improvisait les paroles sur place. Nous travaillions dur. Mais quand nous étions sur scène, nous nous amusions tellement que les gens oubliaient tout le travail qu’on venait de faire derrière. Manu était un bourreau de travail. C’était un tortionnaire. Nous pouvions rester des heures en répétition pour ne travailler qu’une phrase. Tant que ça ne sonnait pas comme il voulait, nous ne bougions pas.

Sissy Dipoko - Je refuse ce mot de choriste de Manu parce qu’il ne nous a jamais considérées comme telles. Quand vous êtes sur la scène, la place des choristes est toujours d&e...

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