Coopération bilatérale, migration de Camerounais vers le Canada… : le haut-commissaire du Cameroun se livre

De passage à Yaoundé, le haut-commissaire du Cameroun près la République du Canada, S.E Ngole Philip Ngwese, a accepté d’aborder de nombreux sujets avec CT. Nommé le 18 janvier 2024 par le président de la République, celui qui a présenté ses lettres de créance le mois dernier à la gouverneure générale du Canada fait le point de la coopération avec ce pays. Lequel entretient plus de six décennies de relations diplomatiques avec le Cameroun. Dans le même temps, le haut-commissaire définit les principaux axes vers lesquels va tendre sa feuille de route qui lui a été définie dans le cadre de ses fonctions. Bien entendu, le diplomate a accepté d’aborder la délicate question de la migration de nombreux Camerounais vers ce pays qui, au final, n’apparaît pas toujours comme l’eldorado tant présenté.

En septembre dernier, vous avez présenté vos lettres de créance à Mme la gouverneure générale du Canada. Comment s’est faite votre intégration dans ce pays ?
Je dois dire que mon intégration au Canada dans le cadre de mes nouvelles fonctions s’est effectuée sans heurts. J’ai été très bien accueilli à Ottawa. C’est une forte délégation composée de chefs de missions diplomatiques et de responsables canadiens du ministère des Affaires étrangères qui m’a accueilli à l’aéroport. A la tête de celle-ci, se trouvait la doyenne du corps diplomatique accrédité dans ce pays, en la personne de l’ambassadrice du Maroc, S.E Souriya Otmani. Cet accueil m’a fortement marqué. J’ai déjà passé trois mois dans ce pays. Je n’ai eu aucune difficulté à m’intégrer. Les Canadiens sont des gens assez ouverts et d’un abord facile. Il en a été de même de mon intégration au sein de la communauté diplomatique. Peu après mon arrivée, j’ai rendu des visites de courtoisie à des collègues que j’ai identifiés par grandes régions : l’Afrique, l’Asie, l’Europe, l’Océanie, l’Amérique latine, l’Amérique du nord, etc. J’ai pu bénéficier de leurs conseils et avoir des entretiens enrichissants avec eux.


Beaucoup de similitudes entre le Cameroun et le Canada, deux pays qui entretiennent des relations diplomatiques depuis 62 ans, et qui ont en commun le français et l’anglais comme langues officielles. Quel est l’état de la coopération bilatérale et quels sont les axes vers lesquels va s’orienter votre action ?
Les relations diplomatiques entre les deux pays datent effectivement de 1962. Il se trouve que le Canada et le Cameroun sont les seuls au monde ayant l’anglais et le français comme langues officielles. A ce titre, le Cameroun et le Canada entretiennent des relations étroites et très diversifiées. Ces rapports portent sur des questions d’assistance humanitaire avec en prime, l’appui aux personnes vulnérables ou victimes des situations de conflits. Ils portent sur des questions de gouvernance, d’autonomisation des femmes et de la jeune fille. Cette coopération concerne aussi la mise en place d’un certain nombre de réformes au plan institutionnel. En effet, le Canada a apporté son appui lorsqu’il a fallu mettre en place un organisme chargé de l’organisation des élections au Cameroun. Notre pays s’est largement inspiré de l’expérience canadienne. Il en a été de même au moment de la mise en place du Sénat. 
Sur le plan technologique et infrastructurel, un certain nombre d’entreprises canadiennes ayant pignon sur rue ont eu à faire leurs preuves sur notre sol. Nous pouvons citer le cas de Magil dans le cadre des travaux de construction du stade d’Olembe. C’est une coopération à laquelle j’entends modestement contribuer à donner plus de perspectives, ceci au travers de la feuille de route que j’ai soumise à la hiérarchie, et dans laquelle un certain nombre d’axes stratégiques ont été identifiés. Il s’agira de renforcer cette coopération, notamment dans le domaine de la recherche agronomique, parce que nous sommes un pays agricole qui a besoin d’impulser l’essor de son agriculture ; nous entendons œuvrer dans le domaine des énergies renouvelables, des soins santé, de la coopération universitaire, de l’intelligence artificielle… En même temps, nous mettrons un accent sur la recherche des opérateurs économiques et investisseurs canadiens qui peuvent être intéressés par les secteurs porteurs de notre économie.


Quelle sera la priorité en ce qui concerne les investisseurs canadiens ?
J’ai évoqué l’agriculture. Le Canada est un pays très avancé en matière de recherche dans ce domaine. Le Cameroun a du potentiel en la matière. Il y a ensuite le secteur industriel, parce que nous avons une infrastructure à développer, avec notamment le transfert des technologies dans un certain nombre de domaines. Je n’oublie pas les NTIC. Je crois devoir inviter les Canadiens à s’intéresser à l’essor technique et technologique de notre pays.


Comment cela peut-il se faire ?
Le transfert des technologies s’opère déjà au niveau des institutions de formation. Nous avons au Canada de nombreux étudiants camerounais, des ingénieurs de haut vol, certains d’entre eux sont bien établis dans le pays d’accueil. Il faut le relever, ce sont des personnes qui planent dans les domaines où elles exercent. A ceux et celles que j’ai déjà pu rencontrer, je leur dit : vous devez vous souvenir de ce que votre pays a besoin de vous. C’est une forme « soft » de transfert des technologies. Nous n’attendons pas nécessairement des Canadiens qu’ils viennent implanter des industries clés en main au Cameroun. Ce sera sans doute difficile, mais qu’au moins à travers la formation, nos ressources humaines puissent contribuer à l’essor économique et industriel de notre pays.


Vous avez évoqué tantôt les Camerounais établis au Canada. Comment ont été vos premiers contacts avec ces compatriotes ?
Les premiers contacts et les premières impressions qui en découlent sont plutôt bons. J’ai déjà reçu beaucoup de compatriotes à titre individuel et parfois en groupes, à travers des associations. Ces dernières sont très nombreuses au Canada, soit plus d’une cinquantaine répertoriée au niveau du Haut-commissariat. Je les invite tous à ne jamais oublier d’où ils viennent. Vous pouvez être porteur de deux passeports, mais au fond, vous n’avez qu’une seule nationalité. Je les encourage à songer, sinon à rentrer au pays, du moins à contribuer au développement de ce dernier. A tous, je dis que la mission diplomatique est la maison commune de tous les Camerounais, dont je ne suis que gardien. Je salue le patriotisme de la plupart d’entre eux. Je suis à leur service, mais je souhaite voir à travers chacun d’eux, un ambassadeur du Cameroun. Ceci doit se traduire par un comportement exemplaire vis-à-vis des lois et des autorités canadiennes. Nous pratiquons une politique des portes ouvertes, comme cela nous a été prescrit par le président de la République et nous sommes déterminés à leur rendre le meilleur service possible. Aussi, entre autres projets phares de la feuille de route, figure l’élaboration d’un manuel de procédures et d’un guide de l’usager. Ces projets sont appelés à donner un peu plus de relief aux mesures mises en place par le gouvernement pour améliorer la qualité du service dans les missions diplomatiques.


Vous arrivez au Canada au moment où l’on note une montée en flèche du phénomène de l’immigration vers ce pays. Le Cameroun est concerné avec notamment de nombreuses personnes qui vont jusqu’à abandonner leur travail ici. Quelle est l’ampleur du phénomène et comment le problème est-il géré à votre niveau ?
Je dois vous avouer que j’ai commencé à prendre la mesure de ce phénomène alors que j’étais encore au Cameroun, après ma nomination le 18 janvier 2024 par le président de la République. J’ai été approché par un certain nombre de responsables d’établissements bancaires qui m’...

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