« Le Cameroun n’enregistre aucune personne en situation de famine »

Gabriel Mbaïrobe, ministre de l’Agriculture et du Développement rural.

Monsieur le ministre, le Cameroun a commémoré il y a quelques jours, la 44e journée mondiale de l’alimentation. Quelle est la situation alimentaire du pays en ce moment ? 
Nous venons de célébrer la journée mondiale de l’alimentation qui a avait pour thème principal, « Droit aux aliments, au service d’une vie meilleure et d’un meilleur futur ». C’est un thème assez évocateur parce que l’alimentation est parmi les besoin vitaux pour l’homme, après la respiration et l’eau. Au Cameroun, nous faisons une enquête sur la sécurité alimentaire deux fois par an dans les 58 départements, pour évaluer la situation de la sécurité alimentaire, avec les partenaires techniques et financiers tels que le PAM, la FAO, Action contre la faim, la société des réfugiés du Danemark, etc. A l’issue des enquêtes, nous analysons les résultats obtenus avec des experts de divers horizons et cette analyse nous permet de classer les populations en cinq catégories. La première ce sont les gens normaux qui n’ont pas de problèmes pour se nourrir. Ensuite, viennent les gens qui sont sous pression, c’est-à-dire à la limite de la crise. La troisième catégorie comprend les personnes en situation de crise et celles-là peuvent basculer à tout moment en situation d’urgence, et on est là dans la 4e catégorie. La dernière catégorie, et la plus critique est celle des gens en situation de famine. 
Et pour revenir à la situation actuelle au Cameroun, la dernière analyse que nous avons faite a permis d’identifier environ 2,700 millions de personnes en situation de crise et parmi elle, on compte environ 266 000 personnes en situation d’urgence, à qui il faut apporter une assistance humanitaire, réparties dans 14 départements du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, l’Extrême-Nord et l’Est. Heureusement, le Cameroun n’enregistre aucune personne en situation de famine. 


Une fois cette analyse faite, qu’avez-vous entrepris pour gérer la situation ? 
Nous avons réuni les partenaires techniques et financiers, les différents ministères, pour confectionner un plan national de réponse qui a trois axes principaux. Le premier axe c’est l’assistance humanitaire qui généralement couvre sept mois et concerne les populations en situation d’urgence ou en situation de famine. Cette assistance consiste en une aide alimentaire ou un transfert monétaire. Nous identifions les couches vulnérables que sont les enfants de 10 à 5 ans, les femmes enceintes, les personnes vivants avec un handicap, etc. Le deuxième panier de ce plan de riposte c’est de reconstituer les moyens de production des productions des zones concernées à qui nous apportons une aide en termes de semences améliorées, d’engrais, de produits pesticides et de petits matériels agricoles. Le troisième niveau d’intervention c’est de renforcer la résilience de ces populations par la construction des infrastructures communautaires qui permettent de mieux gérer l’eau, de mieux gérer la végétation et un certain nombre de ressources naturelles. Et dans ce volet, nous essayons aussi de créer la richesse via le système « Cash for Work » où nous faisons travailler les populations locales contre rémunérations. Nous utilisons également le système à haute intensité de main d’œuvre. Le dernier plan national de réponse, que nous avons remis au ministère de l’Administration territoriale, en charge de la protection civile, nécessite une mobilisation de 123 milliards de F. Mais comme nous sommes en relation avec le PAM, dans le cadre du Projet de lutte contre les crises alimentaires, nous essayons d’intervenir dans cinq régions à savoir le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, l’Extrême-Nord, l’Adamaoua et l’Est, selon un ciblage précis, pour atténuer ces situations de crise. 


Mais Monsieur le ministre, comment en arrive-t-on à une situation de crise alimentaire au Cameroun où la nourriture semble pourtant abondante ? 
Les crises alimentaires ont des causes bien connues. Premièrement, ce sont des crises socio-politiques qui amènent les gens à se déplacer de leur lieu d’habitation et domaines d’activités, devenant ainsi vulnérables. Deuxièmement, on a les crises interethniques qui ont les mêmes conséquences que les crises socio-politiques. Troisièmement c’est les catastrophes naturelles, c’est-à-dire les sècheresses, les inondations, les éboulements, etc. On a aussi les effets des changements climatiques qui font que les gens n’arrivent plus à maîtriser le calendrier agricole et se retrouvent du jour au lendemain avec des cultures qui n’ont pas de pluie, pas d’eau, ce qui entraînent des pertes parfois jusqu’à 40% de la production. Enfin nous avons les ennemis des plantes que sont les pachydermes, les oiseaux migrateurs, les oiseaux carnivores, la chenille du légionnaire, et les autres maladies attaquants les plantes et les animaux. 


Comment y remédier ? 
Nous avons l’habitude de dire qu’une catastrophe, on la subit. Mais on peut, si on anticipe, transformer les catastrophes en risques qu’on peut gérer. Et cela passe par des investissements sur les infrastructures communautaires et d’autres qui permettent de faire face aux catastrophes naturelles. Aujourd’hui, on nous parle des inondations qui sont dues en l’ensablement du lit d’un fleuve. Si on avait récuré le lit de fleuve, on n’en serait pas là. Ailleurs, on parle de débordement de fleuve où un mini-barrage de retenue aurait permis d’empêcher ou de minimiser le phénomène. Une infrastructure qui aurait pu devenir une opportunité car avec une retenue d’eau, on peut développer des cultures de contre-saison qui viendront renforcer la sécurité alimentaire des populations. Les nouvelles technologies peuvent également nous amener à nous libérer des caprices climatiques, de même que les cultures sous serres. 


Vous revenez de la région de l’Ouest où il a fortement été question de riz. Sauf que ces dernières années, de nombreuses résolutions sont prises pour révolutionner la production nationale de riz et autres céréales, mais elles tardent à se concrétiser, laissant un boulevard toujours immense aux importations. Qu’est-ce qui fait problème ? 
L’une des forces de l’agriculture c’est la qualité de la semence. Il faut avoir un système semencier fiable et professionnel. Aujourd’hui nous en sommes encore à une sélection massale qui voulait que nos parents choisissent par exemple les plus beaux épis de maïs qu’ils gardent sous le toit comme semence pour la prochaine saison. On doit sortir de ça parce que la recherche permet désormais de savoir qu’on peut orienter sa semence, dès la sélection génétique, pour en avoir qui résiste à la sècheresse, à trop d’eau, aux prédateurs ; une semence qui ait un cycle plus court, etc. 


La science fait pourtant des prouesses au Cameroun, en matière de semences…
C’est vrai, mais il n’y a p...

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