« Il y a une sorte de lissage de l’électorat »
- Par Alexandra TCHUILEU N.
- 24 oct. 2018 10:28
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Pr. Laurent Charles Boyomo Assala, professeur des universités, chercheur en communication et sociologie politique.
Paul Biya a été réélu avec 71,28% des voix. Comment comprendre qu’au fil des années, le président élu consolide son leadership ?
Il faut remonter à l’histoire et évoquer la sociologie électorale spécifique de notre pays. Du point de vue historique, on a une sorte d’élection dont le modèle se lit comme les bosses d’un chameau. En 1992, il y avait six candidats à l’élection présidentielle et le président Paul Biya a eu 40% des suffrages. En 1997, avec sept candidats, il a eu 92,57% des suffrages. En 2004, 70,92% des voix et en 2011, 77,99%. En 2018, il est à 71,28%. La tendance la plus lourde est une sorte de hausse et de baisse, ces fluctuations dépendant du contexte historique, politique, économique et social du pays, ainsi que l’évolution de l’électorat. Cela traduit une sorte de lissage de l’électorat. Il est assez stable, en dehors de 1992 (40%) et de 1997 (92%). Il y a une sorte de stabilisation de son électorat qui correspond à la stabilité du corps électoral. En dehors de 2011 où on a enregistré environ 4,951 millions électeurs, les chiffres des électeurs globaux oscillent entre 3 et 3,5 millions. Dès lors, on peut difficilement parler d’un changement radical, mais d’une évolution constante, de stabilité qui traduit les dynamiques sociales et politiques de notre pays. Autre élément, le nombre de candidats à l’élection présidentielle. On est passé de 6 (1992) à 7 (1997), puis 16 (2004), 23 (2011) et 9 (2018). Ce scrutin a aussi révélé l’émergence de nouvelles forces politiques.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette nouvelle donne ?
L’érosion d’un parti comme le Social Democratic Front (SDF) correspond à une conjoncture particulière. Son terreau politique a été balayé par la situation qui y prévaut et l’insuffisante politisation des personnes qui se sont réclamées de cette rupture. Il y a là une faillite de la culture politique de ces personnes parce que lorsque vous amenez quelqu’un, vous le faites entrer dans les règles institutionnelles. Plus il se politise, moins il devient violent physiquement. Il y a un report de la violence physique vers la violence symbo lique et verbale. La grande politisation des Camerounais se traduit par une violence verbale paroxystique, mais en même temps, par un essoufflement de la violence physique en dehors de la conjoncture dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et les régions septentrionales. La politisation globale de la société va avoir comme conséquence l’irruption dans le champ politique de figures nouvelles. A titre personnel, je ne parlerai pas de forces politiques, mais de figures. Représentent-elles une force ? On le verra lors des échéances à venir (législatives, municipales). Il n’y a pas une relation de translation immédiate entre les forces et les nouvelles figures qui, à mon sens, incarnent une volonté de changement, mais moins un courant politique perceptible.
La participation est évaluée à environ 3 millions de votants pour plus de 6,5 millions d’inscrits. Comment comprendre ce taux relativement faible ?
Je dirais le contraire. Le contexte aujourd’hui est tel qu’on se serait attendu à moins. Il y a des menaces de velléités sécessionnistes et insurrectionnelles dans les points névralgiques du Cameroun. Ceci crée une insécurité poli tique, économique et sociale. Ces trois phénomènes feront que l’électeur ordinaire, qui est un électeur utilitariste qui calcule ses coûts et ses bénéfices dans l’acte électoral, ne voit aucun intérêt à aller risquer sa vie dans quelque chose qui paraît n’obéir qu’à un moment de sa vie. Il peu...
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