« Le gouvernement joue son rôle d’aiguilleur et d’accompagnateur »

Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce.

Monsieur le Ministre, le 05 juillet dernier, le Cameroun a exporté une cargaison de près de 100 tonnes de lingots d’aluminium vers l’Algérie, sous le régime ZLECAF. Que représente cette opération pour le pays ?
Sans avoir à remonter à Mathusalem, plus précisément aux lendemains des indépendances africaines et des ambitions qui étaient celles des Pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine, je dois relever que tout est parti du 18ème Sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine au mois de janvier 2012 à Addis-Abeba, avec la décision prise par ces derniers de mettre en place la double initiative de renforcement du commerce intra-africain et d’accélération de la création d’une Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), ayant pour objectif majeur de booster les échanges commerciaux entre les pays africains, à travers l’élimination ou la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, et de créer un marché élargi et sécurisé, assorti d’une libre circulation des personnes, des capitaux, des marchandises et des services, dans le dessein de renforcer l’intégration économique et de promouvoir le développement agricole, la sécurité alimentaire, l’industrialisation et la transformation structurelle des économies africaines. Ce processus va aboutir à la signature, le 21 mars 2018, à Kigali, au Rwanda, à l’occasion du 12ème Sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, de l’Accord portant création de la Zlecaf. Battant tous les records de diligence et de célérité, à inscrire dans le livre Guinness des records, cet Accord va entrer en vigueur le 30 mai 2019, c’est-à-dire 14 mois seulement après sa signature, à la suite du dépôt du 22ème Instrument de ratification. Et notre pays figurera parmi les premiers de la classe. L’histoire retiendra par ailleurs que le Cameroun fait partie des sept Etats africains qui ont effectivement, les premiers, donné corps à ce nouveau mécanisme, aux côtés de l’Egypte, du Ghana, du Kenya, de Maurice, du Rwanda et de la Tanzanie, à travers l’Initiative du Commerce Guidé de la Zlecaf. C’était le 07 octobre 2022 à Accra, au Ghana, à l’occasion d’une cérémonie solennelle au cours de laquelle les sept pays concernés ont vu débarquer leurs premières marchandises exportées sous le régime de la Zone de libre-échange continentale africaine. L’opération à laquelle vous faites allusion, qui s’est déroulée le 05 juillet dernier et qui avait pour cadre le Port autonome de Douala, est importante en ce qu’elle symbolise et traduit dans les faits l’engagement du Cameroun, sous la Très Haute impulsion du chef de l’Etat, à assurer le rôle de leader dans ce nouveau paysage. Il s’agissait, dois-je le rappeler, d’une exportation de cent tonnes de lingots d’aluminium produites par la société Alucam et exportées vers l’Algérie, en mode conteneur, d’autres exportations étant intervenues antérieurement par voie conventionnelle. Même si comparaison n’est pas raison, je souligne, au passage, que le Nigéria, l’un des géants, s’il en est, de l’économie africaine, n’effectuera sa première opération du genre que le 16 juillet prochain, au port d’Apapa, c’est-à-dire après le Cameroun. Et, comme pour mieux souligner le rôle moteur que joue notre pays, les Autorités de ce pays voisin ont formellement invité le Ministre du Commerce du Cameroun à être témoin de cette cérémonie solennelle. C’est tout dire…

Avant cette première exportation conteneurisée, d’autres opérateurs économiques locaux avaient exporté au Ghana, en quantités moins importantes certes, d’autres marchandises en produits finis (fruits séchés, thés). Où en sont-ils près de deux ans plus tard ?
Vous faites là allusion à la cérémonie du 07 juillet 2022 à Accra, qui consacrait la réception de la première cargaison exportée par notre pays, constituée des fruits séchés et du thé. C’était le point de départ, sous l’onction des pouvoirs publics. La suite des opérations qui, pour moi, est une évidence, compte tenu des avantages compétitifs qu’en tirent les opérateurs économiques exportateurs, en termes de réduction des droits de douane, dans un premier temps, et d’exonération totale desdits droits, à terme, relève de l’initiative privée et du dynamisme reconnu de nos opérateurs, le gouvernement ayant joué son rôle d’aiguilleur et d’accompagnateur du processus. Je me dois, au demeurant, de souligner que ce mécanisme est à double sens, qui vise à la fois les exportations et les importations. C’est dans ce cadre que j’ai pris part, le 17 juillet 2023, au Port autonome de Kribi, en compagnie de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de Tunisie au Cameroun, à la cérémonie de réception d’une cargaison de résine importée par notre pays, en provenance de la Tunisie. Cela prouve que la Zone de libre-échange continentale africaine est effectivement entrée dans sa phase opérationnelle et que le meilleur est à venir.

Avec le potentiel qu’on reconnaît au Cameroun, on se serait attendu à ce que les produits made in Cameroon inondent déjà le marché africain depuis l’opérationnalisation de la Zone de Libre Echange. Qu’est-ce qui fait problème ?
D’un point de vue des textes en effet, la Zone de libre-échange continentale africaine n’est opérationnelle que depuis le 1er janvier 2021. Dans les faits, comme je l’ai indiqué plus haut, les premiers échanges sont intervenus le 07 octobre 2022 et le Cameroun était en pole position. Il serait par conséquent inexact de dire que les produits Made in Cameroon sont absents du marché, qu’il s’agisse du marché sous-régional ou continental. J’en veux pour preuve, entre autres, cet agrément au régime préférentiel de la Cemac délivré le 06 mars 2024 par le président de la Commission de la CEMAC au bénéfice de sept entreprises camerounaises, pour une liste de 70 produits issus de la production locale, qui viennent s’ajouter aux 691 autres produits camerounais admis antérieurement au bénéfice dudit régime. Qu’est ce qui pourrait faire problème ? C’est, à l’évidence, le problème de l’offre et non celui du marché. Il nous faut en effet produire plus pour satisfaire la demande et tirer pleinement avantage de ce marché captif. La Zlecaf, c’est effectivement un marché de 1,3 milliard de consommateurs, à mettre en parallèle avec le marché chinois, fort de son 1,4 milliard de consommateurs, le marché indien, de même niveau que la Chine ou presque, le marché de l’Union européenne, avec ses 450 millions de consommateurs, ou encore le marché américain, riche de 330 millions de personnes. En clair, la Zlecaf se présente comme le second plus grand espace marchand au monde. Au demeurant, à en croire les projections à l’horizon 2050, c’est-à-dire demain, la population africaine passera à 2,5 milliards de consommateurs et l’Afrique se positionnera, de très loin, comme le premier marché au monde. La Zone de libre-échange continentale africaine représente donc, sans conteste, une très grande opportunité et une aubaine pour nos opérateurs économiques, à la condition qu’ils sachent en tirer avantage, en augmentant, de manière substantielle, le niveau de la production actuelle. La stratégie nationale de développement 2020-2030, instruite par le chef de l’Etat, déclinée sous la forme de la transformation structurelle de l’économie camerounaise, participe de cette ambition. Il en est de même du Plan intégré d’import substitution agropastoral et halieutique (PIISAH), en cours d’exécution sous la houlette du gouvernement, pour le triennat 2024-2026. Vous le voyez, tout est mis en œuvre par le gouvernement pour que la Zone de libre-échange continentale africaine soit l’instrument majeur, dans le secteur du commerce, qui conduira notre pays à l’émergence. Tous les atouts sont donc de notre côté, sous réserve que les acteurs, que sont les opérateurs é...

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