« Il faut une remise en cause des politiques »

Dr. René Yatcho, économiste du développement.

On a récemment enregistré un incident sur l’une des sections de la route Douala-Yabassi, en particulier au niveau de l’axe Bonepoupa-Yabassi. Cet affaissement ressuscite la question de la qualité des routes construites au Cameroun. En quoi ce sujet reste-t-il une préoccupation ? 
L’affaissement qui fait la une de l’actualité routière de ces derniers jours est effectivement un sujet préoccupant car, il met en exergue les difficultés à parfaire un réseau d’infrastructures durables. Il semble indiquer que nous sommes en ce domaine, comme dans certains autres, condamnés à toujours recommencer tel Sisyphe, le héros de la mythologie grecque contraint par les dieux à rouler sans fin une pierre au sommet de la montagne. Heureusement que nous ne sommes pas encore à ce niveau de damnation. Cela dit, la question de la qualité des routes suggère une analyse fondée sur des indicateurs objectifs et précis. Il s’agit des indicateurs techniques relatifs à l’offre et caractérisant la qualité intrinsèque de la route et des services associés comme l’exploitation d’une part et des indicateurs d’usage liés au trafic et à la praticabilité d’autre part. Ces indicateurs ne sont pas immuables et peuvent être complétés par des indices subsidiaires tels le confort et la sécurité procurés aux usagers, l’intégration dans le paysage et la configuration esthétique. Dans le cadre qui est le nôtre, la prise en compte de ces éléments est sujette d’inquiétudes car, de nombreuses routes aménagées en quelques parties du pays, présentent des tares multiples (tronçon inachevé ou bâclé, non-respect des critères de visibilité et d’accessibilité…). A cause de ces carences, le rapport coût/efficacité de ces infrastructures est particulièrement négatif pour les populations et l’Etat qui doit en supporter la charge. Or, le budget national n’est ni élastique ni appelé à servir uniquement de fonds de rattrapage des routes imparfaites. Pourtant, la route est un facteur de développement car, elle accélère la mobilité des hommes et des flux, gages de création des plus-values. Il faut donc une remise en cause des politiques en la matière afin de mériter des places honorables dans le classement des pays africains disposant des infrastructures routières de qualité. 


De nombreuses contraintes empêchent la construction des routes de qualité. Notamment l’insuffisance des financements, la corruption, la mauvaise qualité des études techniques, et des travaux proprement dits, etc. Qu’est-ce qui devrait être fait pour trouver des solutions pérennes à ces difficultés ? 
Toutes les contraintes évoquées existent dans d’autres pays. Nous n’avons pas d’exclusivité sur ce plan. Il faut d’ailleurs remarquer, à ce sujet, que toutes les activités économiques s’effectuent toujours sous contraintes. C’est de leur arbitrage judicieux que dépend l’atteinte des objectifs poursuivis. A ce titre, au niveau de l’insuffisance des financements, des recours peuvent être faits auprès des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Des partenaires privés nationaux peuvent être également impliqués dans des conditions précises. Il n’est pas ainsi impossible que des individus ou groupes capitalistes d’importance construisent des routes sous forme d’avances à l’Etat avec option de remboursement des sommes allouées par système de péages. Une telle approche renforcerait les responsabilités et serait même un moyen de contourner les manœuvres dolosives qui génèrent des externalités particulièrement négatives pour le citoyen et l’Etat. S’agissant de la corruption, il faut penser à renforcer l’armature juridique des projets routiers. Mais, ce renforcement ne suffit pas s’il n’est pas accompagné de sanctions dûment appliquées. Si cette prégnance juridique n’est pas mise en œuvre, les autres effets pervers comme la mauvaise qualité des études et...

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