« Il faut adopter des pratiques respectueuses de l’environnement »

Dr René Yatcho Nyaben, économiste, directeur du cabinet Yatch Consulting Eureka.

Quels impacts les activités agropastorales peuvent-elles avoir sur l’environnement ?
Les activités agropastorales désignent toute exploitation ou pratique professionnelle en lien avec l’agriculture et l’élevage. De par leur nature, ces activités jouent un grand rôle dans la consolidation du tissu économique, surtout en zones rurales. Toutefois, mal menées, elles peuvent dégrader significativement les écosystèmes à plusieurs égards. D’abord l’utilisation des terres, que ce soit pour la culture ou le pâturage, requiert très souvent la conversion des forêts en espaces d’exploitation. Or, les forêts régulent le climat, captent le dioxyde de carbone et maintiennent la biodiversité. Leur destruction irréfléchie en faveur des productions agropastorales induit des effets pervers considérables en termes de changement climatique, de perte d’habitat pour de nombreuses espèces végétales et animales et de déstructuration des écosystèmes entiers (arrêt de la pollinisation, perte de la diversité génétique, etc.). Ensuite, l’utilisation intensive des terres issues de la déforestation réduit leur capacité à retenir de l’eau. En conséquence, elles sont plus exposées à l’érosion. Soumis à ces contraintes, les sols perdent de leur fertilité et sont moins rentables à la longue. En raison de ces pénibilités, les exploitants agropastoraux convertissent d’autres terres, ce qui accentue le cycle de dégradation des sols. Enfin, les activités agropastorales nécessitent d’importantes ressources en eau. Seulement, le recours excessif à l’irrigation dans le cas d’une agriculture non pluviale par exemple, entraîne l’épuisement des nappes phréatiques et la dégradation des écosystèmes aquatiques. Cette déprédation est accentuée par les déchets organiques animaux, les fertilisants et pesticides qui contaminent les sources d’eau locales comme on l’a observé dans le cas du Lac Victoria en Afrique de l’Est. 


Certaines mauvaises pratiques agricoles constituent un véritable danger pour l’environnement. Quelles stratégies développer pour contrer leurs effets ?
Les mauvaises pratiques dont il est question concernent la déforestation, le surpâturage, l'utilisation démesurée des ressources hydrauliques, le recours intempestif aux pesticides et engrais chimiques. Cela étant, au moins quatre stratégies peuvent être adoptées afin de minimiser ou contrer ces agissements irraisonnés. La première porte sur l’utilisation des techniques agricoles respectueuses de l’environnement. Il s’agit notamment de l’assolement, de la jachère et de toutes formes de mise au repos des terres. Il s’agit également d’un meilleur entendement des interactions entre les diverses composantes de l’écosystème agricole à savoir les plantes, les sols et les animaux. Il s’agit enfin de l’option en faveur de l’agriculture biologique qui offre une alternative aux pesticides et engrais chimiques. La deuxième renvoie au développement de la polyculture. Cette technique, qui consiste à cultiver plusieurs spéculations sur une même parcelle, permet de garantir la fertilité des sols et la résilience face aux maladies et parasites. La troisième concerne la gestion efficace de l’eau afin de minimiser leur gaspillage. Dans certains cas, la collecte des eaux de pluies peut se présenter comme un moyen de conserver ces ressources rares. A Yagoua où sévit une forte inondation ces derniers jours, des techniques appropriées et simples peuvent favoriser la rétention de l’eau qui tombe du ciel à profusion. La quatrième est du domaine de la formation et de la sensibilisation des agriculteurs qui déséquilibrent l’écosystème, très souvent, par ignorance.  A ce niveau, l’Etat et les collectivités territoriales décentralisées ont un rôle central à jouer pour renforcer les capacités opérationnelles des acteurs de terrain.


Comment emmener les acteurs des filières agropastorales à tenir compte de l’aspect protection de l’environnement dans leur pratique quotidienne ?
Plusieurs mesures sont possibles en ce domaine. Bien combinées, elles peuvent amener les acteurs des filières agropastorales à tenir compte de l’équilibre de l’environnement dans leurs pratiques quotidiennes.  De manière générale, ce-sont des mesures incitatives, règlementaires, fonctionnelles et éducationnelles. Sur le plan incitatif, la mesure phare pourrait porter sur des subventions et autres incitations financières en faveur des agriculteurs qui adoptent des comportements préservant l’écosystème. L’on pourrait ainsi prévoir des soutiens financiers aux producteurs qui renoncent aux engrais chimiques ou qui développent l’agroforesterie, cette technique qui consiste à jumeler l’exploitation des plantes à la régénération forestière. De la sorte, les exploitants concernés peuvent compenser les coûts résultant des pratiques durables. S’agissant des mesures réglementaires, elles pourraient porter sur l’imposition des normes environnementales minimales comme la délimitation des zones de déforestation. Quant à l’accompagnement éducatif, l’on pourrait penser aux programmes de formation à la gestion durable des sols, à l’utilisation rationnelle des ressources en eau et à l’organisation d’une économie sociale voire circulaire. C’est dans ce cadre qu’il faudrait inscrire l’encadrement pour l’adoption des pratiques agro-sylvo-pastorales qui, en associant la culture des essences particulières à la plantation d’arbres, permettent de préserver la biodiversité et l’érosion des sols. Le niveau fonctionnel indique essentiellement les procédés de valorisation, au travers des labels, des produits issus des pratiques durables. De tels mécanismes permettent aux producteurs de garantir leur condition de vie tout en limitant la déforestation ou la dégradation des sols. Associées à un partenariat actif entre les différents acteurs de la filière, l’Etat, les collectivités territoriales et les organisations non gouvernementales, ces mesures peuvent non seulement protégé l’environnement, mais davantage renforcer la durabilité des systèmes agropastoraux confrontés, ces derniers temps, défis de pérennité.


Dans quelle mesure le secteur agropastoral peut-il contribuer à la préservation de l’environnement ?
Malgré la pression qu’il exerce sur l’environnement, le secteur agropastoral est également considéré comme un acteur clé de sa préservation d. Cette vertu n’est tangible que si les procédures utilisées par les différents agents agropastoraux sont respectueuses des écosystèmes fragiles.  Et cela n’est pas une vue d’esprit car, le secteur agropastoral favorise la régénération et la conservation des sols, du moment où ses activités ont un fort pendant agro-écologique. Il s’agit d’activités qui portent sur les techniques de pâturages tournants, la gestion rationnelle des sols, l’association des techniques durables comme les retenues d’eaux, les puits ou toute méthode d’irrigation. A cet effet, il faut relever que contrairement à l’agri...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie